Les premiers zombies se tenaient loin de la civilisation. Ceux de Romero et de ses suiveurs envahissaient les États-Unis ou, plus rarement, la Grande-Bretagne (28 jours plus tard), la France (Mutants) ou Cuba (Juan de los Muertos). Quand ils s’en prenaient au monde entier, l’affaire restait quand même le plus souvent états-uno-états-unienne, en dépit d’éventuels inserts géosymboliques de la Tour Eiffel, la Place Rouge ou la Grande Pyramide, censés nous rappeler que ça bardait aussi outre-Atlantique et outre-Pacifique. Il a donc fallu attendre Marc Forster pour se décider à rendre compte pour de bon de la mondialisation du fléau. Pour ceux qui se croyaient tranquilles dans l’Ardèche ou en Malaisie, il faut se rendre à l’évidence : les zombies – sous-genre infected et énergiques à la Danny Boyle, plutôt que undead à la Romero – sont partout et ont prévu de ne laisser aucune chance à l’Humanité.
Après avoir multiplié les clins-d’œil à ses nombreux prédécesseurs – course-poursuite dans des escaliers d’immeuble, supermarché pillé sans retenue, forces de l’ordre démissionnaires – ainsi qu’aux films catastrophes de toutes sortes – crash d’avion, écroulements de tours et explosions ad libitum, réunion de crise sur un porte-avion – Forster lance Brad Pitt-Gerry Lane – enquêteur de l’ONU rangé des champs de bataille qui, après en avoir vu des vertes et des pas mûres en Afrique et en Tchétchénie, a décidé de chercher la félicité dans une reconversion manifestement réussie dans la confection quotidienne de pan-cakes pour sa petite famille – dans un tour du Monde endiablé, à la recherche d’un très hypothétique patient-zéro et, si possible, d’un vaccin ou d’un remède pour mettre fin au carnage.
Le titre n’est donc pas anecdotique : la figure du confinement, inaugurée en fanfare par la maison des environs de Pittsburgh prise d’assaut dans La Nuit des morts-vivants, se décline désormais à l’échelle mondiale, la faute à la propagation quasi instantanée de la pandémie via les aéroports – Contagion et son scénario chirurgical ne sont jamais très loin. Ledit confinement ne se révèle d’ailleurs pas très efficace.
Dans une scène d’une belle ironie, alors qu’Israël, spécialiste ès construction de murs, a fortifié en une nuit Jérusalem et y accueille désormais chrétiens et musulmans dans la joie, la bonne humeur et la fraternité retrouvée, c’est un chant de paix entonné en chœur par des Israéliens et des Palestiniens qui attire l’attention de hordes d’infectés vaquant paisiblement à leurs occupations non loin du mur. N’en déplaise au savoir-faire local et à la hauteur et la solidité de l’ouvrage, l’affaire est réglée en deux coups de cuiller à pot par des zombies à l’instinct de survie corrélé à l’approximation de leur statut d’êtres vivants.
Le héros du film non plus n’est pas anecdotique : fi de l’espion ou du soldat d’élite nord-américains et de l’agent au service secret de sa Majesté. C’est sur les épaules d’un envoyé des Nations Unies que repose notre avenir, soit d’un représentant d’une des seules entités politiques dont se soit dotée l’Humanité. Quant au climax final, il se joue dans un bâtiment de l'OMS.
Le Pittsburgh futur-prochiste de Land of the Dead pouvait se lire comme une métaphore d’un Occident arrogant, méprisant et aveugle à ce qui l’entoure. WWZ assume pour de bon l’existence du Monde et de problèmes se jouant inéluctablement à son échelle, dans lequel il ne sert plus de construire des murs, abris illusoires, aussi hauts puissent-ils être. En cela, ceux qui ont reproché au film de vider le genre zombiesque de sa teneur politique et – pas toujours, loin s’en faut – contestataire, n’y ont peut-être pas regardé d’assez près.
Réjouissant.


Le texte sur le site Le Monde dans l'Objectif.

LMDLO
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le 22 févr. 2016

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