C'est comme si on découvrait vraiment le cinéma de Quentin Dupieux. Bloqué sur le catastrophique Rubber, on ne donnait pas cher de Wrong cops. On avait bien tort. Le film réussit là où l'autre se plantait, assumant pleinement un nonsense naturel et pur, jamais surligné, heureusement débarrassé du besoin de justifier sa propre existence.

De fait, aussi léger que crapoteux, finalement très enfantin, Wrong cops avance sans masque, se construisant au fur et à mesure d'une intrigue idiote mais solide, dont les bases sont clairement définies : les flics sont dealers, obsédés sexuels, maîtres chanteurs, de vrais connards. On assiste donc à une succession de scènes absurdes nées de situations sans aucun sens, dont les protagonistes assument la loufoquerie la tête haute. C'est la ligne claire d'un film à l'image volontairement pas propre, une sorte de cinéma amateur qui fait sérieusement le boulot.

Et puis il y a la musique, comme un fil rouge, celle de Dupieux lui-même (alias Mr Oizo), de nombreux personnages se passionnant pour l'électro, l'un composant, d'autres jugeant. Si elle crée le décalage, apportant à l'ensemble un côté aérien, elle accompagne également l'unité narrative et sonore d'un film en état d'apesanteur.

Wrong cops est court et rythmé, les personnages s'y croisant comme à un ballet surréaliste, ni mis en exergue ni regardés de haut, aussi bêtes que nous. Sa réussite est aussi de refuser tout cynisme. Dupieux n'est pas là pour donner des leçons, caricaturer pour se la jouer moraliste, ou plonger tête baissée dans ce qui est aujourd'hui la norme : le second degré auto-suffisant, la prétention à l'humour nauséeux, le double message puissance dix.

On retrouve donc l'essence de la drôlerie : écrire des bêtises, les jouer, les filmer, juste pour rigoler. Soutenu par un casting au top, Mark Burnham, Eric Wareheim, la géniale Arden Myrin, mais aussi Eric Judor et Marylin Manson [excellent en ado (!) harcelé], Wrong cops est une délicieuse comédie, souvent très drôle, parfois géniale, minimaliste et fraîche. Et ça fait du bien !

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le 24 mars 2014

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pierreAfeu

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