The shitty story of the Wu
Le Wu-Tang, groupe incontournable de l'histoire du Hip-Hop, ne compte plus les documents contant sa success story. Celle-ci étant inégale, le film montre très bien la raison de cela. Mais cette raison n’est pourtant pas celle que le documentaire avance.
Tout d'abord la success story. Le film est de 2007, et si l'on reprend la success story musicale du groupe racontée dans le film, on part du début 90's jusqu'à 1997 (sortie de Forever, tournée de promo), puis on enchaîne sur 2002/2003 pour nous raconter la disparition d'ODB. Et de conclure sur une tournée de 2006 et une unité nouvelle retrouvée "grâce" à la mort d'ODB qui a selon le film permis d'enterrer des haches de guerre et un retour dans le game du groupe.
Ce storytelling paraît au premier abord joli, très émouvant, mais il est en réalité absolument faux. Le documentaire occulte donc, une plus grande partie de l’histoire musicale du Clan que celle qu’il aborde. Entre 1997 et 2007, le Wu a sorti deux albums (sans compter les compilations et albums live), fait de nombreuses tournées, sortit de nombreux disques solos (avec l’apparition d’autres membres du Clan), dont certains ayant rencontré un succès commercial et/ou critique, fait des B.O. de films, et plein d'autres projets hors de l'univers musical. Bref, quand il s'agit de faire du fric (je dis ça sans jugement de valeur), ou de faire croquer les potes (avec l’émergence de la Wu-Fam), les embrouilles n'ont donc jamais vraiment rien empêché.
Concernant le passage très long, rapporté à la durée totale du film (et de ce qu'il nous annonce avec son titre), sur la disparition d'ODB, c’est particulièrement lors de ce passage que l'on voit la toxicité potentielle de l’entourage d'une célébrité. On y voit une personne ravagée par la drogue (alcool et autre) et la prison qui est devenu une poule aux œufs d'or pour son entourage (un contrat d'1 million de dollars à sa sortie de prison, des projets de ligne de vêtement, de film, de livre, etc) mais qui nécessite surtout du temps et du recul par rapport à cette vie d’excès/célébrité qui lui fait brûler la vie des deux bouts (là ou auparavant il l’a brûlait déjà vitesse grand V d’un bout). Il ira donc dépenser ses premiers dollars dans la consommation de stupéfiants, entraînant sa mort. Il ne s’agit pas ici de juger le mode de vie d’ODB, chacun est libre de faire ce qu’il veut tant qu’il ne met pas en danger les autres, et visiblement c’est le choix qu’il avait fait lors de sa sortie de prison, si l’on en croit les paroles rapportées par deux personnes dans le documentaire (son désir d’attendre la mort) ; mais juste de montrer comment un entourage peut être involontairement nuisible (puisque je ne doute pas qu’ils souhaitaient tous sincèrement le soutenir, l’aider à s’en sortir).
Le casting de personnes interviewées pour l'occasion du documentaire est assez pauvre.
Il donne la parole à quelques personnes intéressantes, que l'on n’a pas l'habitude d'entendre à ce sujet (l'histoire musicale du Wu-Tang), comme Divine, le frère de RZA, et homme de l’ombre du Wu-Tang, ou Rifkind le fondateur de Loud Records.
Mais sinon, on se coltine des mecs qui à mon avis ne fréquentent plus aucun des membres du Wu depuis quelques temps déjà, et qui, à part quelques anecdotes rigolotes mais relativement insignifiante, n'ont rien d'autre à dire que "The Wu, that's the shit bro !", "They blew up the industry like no one before", "the biggest rap group of all time" et ce genre de choses déclinées. Bref, des poncifs lu, entendu, relu et réentendu à longueur de chroniques d’album du Wu-Tang, interviews, page wiki, etc. Ceci n’a que pour but d’appuyer le storytelling choisi et monté de toute pièce : tout allait parfaitement, puis y’a eu des embrouilles (on te dit pas lesquelles), puis ODB est mort, alors oubliez les embrouilles, par respect pour ODB.
Quant au réalisateur du film, il s'agit d'un membre de leur entourage, ayant fait des études dans le cinéma, au début de leur carrière il les a filmé en studio, lors de tournées, ou réalisé certains de leur premiers clips. On imagine bien qu’à la fin des 90’s, à l’apogée de l’industrie du disque, lorsque le rap générait des masses de fric, que les maisons de disques voyaient encore plus qu’avant leur artistes comme des vaches à dollar et donc qu’elles étaient prête à mettre des milliers de dollars dans la production de clips, elles n’allaient pas laisser un type de cette envergure les réaliser ou filmer les backstages. Gerald Barclay a donc logiquement été écarté professionnellement du groupe vers 1997, après la sortie de Forever et de la tournée qui suit, ce qui correspond, comme déjà expliqué, à la fin de l’histoire musicale du groupe raconté dans ce film. Le storytelling musical du groupe a été choisi en fonction des images qu’il avait en sa possession et il n’avait pas les moyens d’obtenir les droits d’utilisation d’autres images.
Ce film apparaît donc comme une énième tentative de faire de l’argent relativement facilement sur la marque Wu-Tang (et c'est ça qui a égratigné la légende Wu), au détriment d’une certaine rigueur historique, où d’une qualité de ce qui y est raconté, il ne remplit que partiellement ce qu'il annonce par son titre (le titre exact serait donc « Wu : the incomplete story of the Wu Tang Clan »). En tant que spectateur, ce film ne vaut pas la peine d’être vu.
PS : je n’ai pas compris le choix de superposer les versions album des morceaux sur l’audio des images de concert, on ne peut ni apprécier les performances scéniques, ni la musique.