X-Men
6.5
X-Men

Film de Bryan Singer (2000)

New Line ayant prouvé qu'un film avec un personnage Marvel, un inconnu, en plus, était viable et rentable, certains sentent bien qu'il y a désormais quelque chose à faire, enfin, de cette matière. Parmi ceux-là, il y a Bill Mechanic, qui essaie de rétablir le lustre de la 20th Century Fox en multipliant les coups de poker comme Titanic ou encore Fight Club.


Mechanic dit qu'il avait les comics Marvel chevillés au coeur. Il semble cependant bien le seul chez Fox, qui garde en mémoire, comme toute l'industrie sans doute, l'ampleur du crash des derniers Batman qui ont déconsidéré pour longtemps la culture Comics à Hollywood.


Les X-Men n'avaient donc pas besoin de ça, d'autant plus que leur projet d'adaptation traîne assez méchamment, à vrai dire. Orion Pictures y avait mis une option dès 1984. Puis plus rien. Carolco, ensuite, essaie de séduire James Cameron. Avant, encore une fois, que le projet ne disparaisse des radars. Il faudra attendre le début des années 90, et une série animée, pour que l'intérêt se ravive, puis 1994 pour que plusieurs scénarios soient évoqués. Michael Chabon, Andrew Kevin Walker et d'autres s'y cassent les dents.


Plusieurs réalisateurs sont approchés, comme Robert Rodriguez, avant que le jeune Bryan Singer, auteur de Usual Suspect et du méconnu Un Elève Doué ne soit envisagé, alors même que de son propre aveu, il n'est pas un lecteur acharné de comic books.


Celui-ci changera cependant d'avis devant la série animée, puis en se plongeant sérieusement dans les BD d'origine : le propos sur la différence, dans tous ses aspects, lui parle et l'attire immédiatement.


Et tout en restant fidèle au matériau de base, Singer picore un peu partout dans une quarantaine d'années de comics pour en adapter la sève : la genèse de Magneto, les réminiscences fugaces de l'arme X, la loi anti-mutants, l'école Xavier pour jeunes surdoués, il compile tout en mettant en avant les obsessions du titre et en le rendant accessible au plus grand nombre.


Le tout par un double prologue d'une particulière efficacité. Le premier, dans le déchirement et la boue du funeste camp d'Auschwitz, dessine la question du racisme et de l'oppression de la minorité. Tout en ancrant l'histoire du film dans notre monde, dans une proximité avec notre réalité à peine matinée d'un soupçon de science fiction. Le second, via la jeune Malicia, exprime la fulgurance du mal être adolescent, du pouvoir que l'on ne contrôle pas et qui contraint à évoluer en marge.


X-Men tournera donc principalement sur quatre personnages, sur le motif du duo. Charles et Erik sont les deux faces d'une même pièce. Deux conceptions de l'humanité, entre la coexistence pacifique et la lutte armée. Il y a du Malcolm X et du Martin Luther King, dont le « rêve » est repris par les propos du Professeur Xavier. Puis il y a la relation entre Logan et Marie, qui s'apprennent pour se comprendre, un père et sa fille de substitution, relation qui prend sa source dans celle qui unissait Wolverine et la jeune Jubilee dans le comics d'origine.


Le film dépeint un monde qui vient de découvrir l'existence des mutants : il adopte dès lors à plusieurs reprises le point de vue de celui-ci. Ecoutant tout d'abord religieusement le discours populiste et haineux du sénateur Kelly, avant de poser sur ce dernier un oeil horrifié quand il traverse la plage sous sa nouvelle forme pathétique. Puis le réalisateur donne à voir le monde à travers les yeux de Logan : incrédule, voire cynique quant à ce que les membres de l'équipe de mutants lui assènent.


On sent Singer attaché à cette pédagogie, à cette présentation rapide de chaque personnage et leurs relations. Mission accomplie, même si plusieurs figures sont nécessairement poussées vers l'arrière plan. Cyclope en fait malheureusement les frais, passant du chef charismatique du comics à un simple empêcheur de tourner en rond dans le flirt naissant entre Jean et Logan.


On sent de la même manière le réalisateur attaché à ne pas tomber dans l'excès, tant dans la volonté de rester dans le réalité de son action, via des images de synthèse assez rares, que de limiter le nombre de protagonistes utiles au déroulement du scénario. Mais il ne faut pas non plus oublier que, malgré sa qualité de blockbuster estival de l'année 2000, X-Men ne disposait pourtant pas d'un budget pharaonique qui lui aurait permis toutes les folies et exubérances de ses origines papier.


La mise en scène de Singer s'occupe du reste : claire, posée, élégante, spectaculaire à l'occasion de deux scènes d'action enlevées et très efficaces, mettant en valeurs de très jolis décors, dont un manoir X mélangeant l'ancien et la modernité afin de restituer sa fonction première d'école pour jeunes surdoués. Et le temps d'une scène fugace dans la tanière de la Confrérie, on balance même entre une impression d'avoir à faire à un repaire de l'un des méchants chers à James Bond pour, juste après, renvoyer à Hitchcock le temps de la scène de la chute du sénateur Kelly. Si, en plus, Bryan Singer déploie une certaine idée du bon goût...


X-Men s'imposait donc, en 2000, malgré certains scepticismes à l'intérieur même de la forteresse Fox, comme un bon début pour les mutants, que même un humour décalé tombant parfois à plat, rappelant que cet aspect ne date pas seulement du Marvel Cinematic Universe, ne saurait entacher.


Et puis, X-Men a révélé au grand public nombre d'acteurs indissociables de leurs personnages dans l'imaginaire collectif, comme Patrick Stewart et Ian McKellen, incarnant la force tranquille du mal, un an avant le Gandalf de la trilogie du Seigneur des Anneaux. Mais surtout Hugh Jackman, livrant un Wolverine taciturne et débordant de charisme animal. Un premier rôle aux allures d'évidence et de révélation, tandis que Dougray Scott doit encore se mordre les doigts, aujourd'hui, d'avoir vu le rôle lui passer sous le nez. En effet, blessé lors du duel à moto mis en scène par John Woo dans Mission : Impossible 2, l'acteur avait dû déclarer forfait et renoncer à incarner le mutant griffu.


La célébrité, ou l'abime, tiennent à peu de choses parfois...


Behind_the_Mask, souriez, vous avez muté.

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le 28 janv. 2020

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Behind_the_Mask

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