Your Name. par Kahled

Un vrai petit coup de cœur. Le début m'a un peu fait craindre un produit plein de pathos et de niaiserie : je ne suis pas du tout fan des chansons par exemple et certains procédés visuels, comme les pensées des personnages exprimées sous formes de bulles, ça n'est clairement pas quelque chose dont je suis fan.

Mais le film, à côté, est super élaboré et quasiment abouti sur tous les niveaux (même si je n'irai pas jusqu'à parler de quasi-perfection).

Visuellement, c'est superbe mais je pense que c'est absolument inutile d'évoquer cet aspect quand on parle d'animés japonais destinés au cinéma. Jusqu'ici, je n'ai quasiment rien vu dans le genre qui soit à remettre en question d'un point de vue graphique (si ce n'est les Ghibli les plus mineurs - autrement dit ceux qui ne sont ni de Miyazaki ni de Takahata - et encore ça n'est jamais spécialement honteux malgré une ou deux coquilles).

Le scénario est complexe. Il fait intervenir un certain nombre d'éléments et de concepts du folklore religieux japonais, traite avec beaucoup de grâce la question du Temps et de ses aléas, du devoir de mémoire vis-à-vis de tout ce qui relève des traditions et de la culture d'un peuple. On est donc dans le pur esprit des thématiques typiquement japonaises, le film ne se limitant pas à ça puisqu'il aborde aussi tout ce qui relève des questions identitaires. Les deux personnages, l'un vivant dans l'affluence de l'urbanité et donc de la modernité quand l'autre évolue dans un village isolé de la campagne japonaise où subsiste avec fébrilité les pratiques traditionnelles et ancestrales d'un Japon qui tend à oublier ses racines, ne retiennent jamais le nom de l'autre : ils l'apprennent mais l'oublient, tentent de le retenir mais pourtant il ne cesse de leur échapper. C'est notamment sur cet élément, véritable fil conducteur du film dans ce qu'il a de plus intense émotionnellement, que se construit l’œuvre de Shinkai : une tentative de rapprochement entre deux facettes diamétralement opposées du Japon actuel . Bien que ce soit plutôt fouillis, ça reste limpide, à la fois ludique et lucide. Rien n'est laissé au hasard, tout concorde et si ça aurait pu être bancal au niveau du scénario, ça réussi à rester parfaitement équilibrer malgré quelques négligeables faiblesses.

Ensuite, j'ai trouvé très émouvante cette histoire d'amour intime à distance, tant géographiquement que temporellement, entre la campagne et la ville, le présent et le passé, les traditions et la modernité. Une petite histoire intime, pleine de naïveté et de tendresse, qui s'inscrit dans la grande Histoire du Japon contemporain, et dans laquelle les deux personnages principaux ne cessent de se perdre pour finir par se retrouver, comme leurs noms respectifs : c'est humaniste et optimiste, sincère et candide. Dans les thèmes abordés, comme déjà dit, c'est classiquement japonais (Miyazaki est déjà passé par là avec un film comme Le Voyage de Chihiro qui utilisait déjà le nom de son héroïne comme élément pour traiter la question identitaire et même Mamoru Hosoda avec un film comme Le Garçon et la Bête). Mais ce classicisme des thèmes est sublimé par les talents de conteur du cinéaste qui apporte un style et une manière de raconter une histoire propres à lui. Le cinéma d'animation japonais n'est clairement pas en perte de vitesse même avec les soit-disant retraites de Miyazaki et Takahata : ce film le prouve malgré ses faiblesses et montre que ce cinéma a encore de bien beaux jours devant lui. Je l'espère en tout cas tant il m'est de plus en plus cher au gré de mes découvertes.