Dans le luxe et le calme d’un hôtel des Alpes suisses, deux résidents octogénaires font le point sur leurs vies. Le premier est un ancien chef d’orchestre qui refuse de se remettre à la musique et le second tente à tout prix de réaliser son dernier film, tel un testament cinématographique. Ils côtoient durant leur séjour d’autres artistes, des gens de tout âge mais aussi une Miss Univers hypnotisante.


Le cinéma italien, en coma artificiel depuis de très longues années, semble enfin sortir de sa torpeur grâce à l’inventivité de réalisateurs comme Paolo Sorrentino. Signe de ce regain, la réouverture des studios romains Cinecittà, qui accueillent aujourd’hui de grosses productions destinées à l’internationale comme SPECTRE ou Ben-Hur. Après son Oscar remporté pour la détonante Grande Belezza, Sorrentino a désormais ses entrées pour donner à son cinéma une dimension nouvelle. Youth marque cette rupture par l’apport de grands acteurs anglophones.


Très marqué par la culture italienne, son précédent film ne m’avait pas forcement convaincu. On y trouvait, à mon gout, tout ce qui peut déplaire dans le style du réalisateur : dialogues interminables, personnages hautains, semblant de clip publicitaire dans certaines scènes et narration se limitant aux réflexions du protagoniste principal. Oui, vu comme ça, ce n’est pas très encourageant ! Cependant, Youth utilise un ton bien différent. Le cadre montagneux apporte déjà une ambiance apaisante et propice à la réflexion. Chacun trouvera un sens différent à la morale du film qui ne parle pas que de jeunesse, mais bien de la vie dans son ensemble. Peut on n’avoir aucun regret ? Le grand âge est il la fin de tout ? Comment agissent les stigmates d’une vie sur le corps et l’esprit ? Une liste non exhaustive de questions qui dépendront du ressenti de chacun. Le casting y est pour beaucoup dans la beauté de Youth où la performance bouleversante de Michael Caine lui confère peut être son rôle testament, celui que le personnage insatiable de Harvey Keitel tente d’atteindre. Voilà une des forces du film, chacun peut se l’approprier différemment et il est indéniable que mon avis ne sera pas le même dans 10 ou 30 ans.


Plus accessible que La Grande Belezza, plus personnel que This Must Be the Place, Paolo Sorrentino trouve le ton parfait pour concilier les publics sans perdre la verve interrogative et esthétique de son film (sans oublier sa parfaite et éclectique BO !). Youth se contemple plus qu’il ne se comprend, ne comptez pas trouver des réponses à des questions qui, de toute manière, nous échappent. Sans jamais tomber dans le culte du jeunisme ni les affres de la vieillesse, le cinéaste italien arrive à donner une vision neutre et intime à cette ambivalence qui représente le conflit interne du film. Infiniment poétique quoique parfois incompréhensible, le style de Sorrentino évite de tomber dans une intellectualisation haut perchée pour donner à Michael Caine l’un de ses plus beaux rôles de son inestimable carrière.

ZéroZéroCed
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le 21 sept. 2016

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