Que reste-t-il de nos amours

Voilà un film qui déclenche les passions : magnifique pour les uns, hideux pour les autres. A mes yeux, les deux se côtoient, la balance penchant hélas un poil plus souvent du second côté.


Il y a un côté foutraque dans cette chronique d'un séjour en hôtel thalasso pas deux vieux amis. Les courtes histoires se mêlent : la masseuse qui danse devant sa télé, le petit garçon qui travaille son violon, l'envoyé de la reine d'Angleterre qui veut convaincre Fred de diriger sa "chanson simple", le jeune acteur venu chercher l'inspiration pour son rôle... d'Hitler, le couple qui ne se parle pas à table mais baise sauvagement dans les bois, le jeune couple qui se déchire, le bonze qui cherche à léviter, la jeune prostituée qui fait de l'oeil à Mick, la chanteuse qui tourne sur son plateau, Maradona obèse signant des autographes, l'équipe de tournage qui cherche une fin à son film... N'en jetez plus ! Mais tout cela finit par avoir un certain charme, comme une espèce de kaléidoscope.


Certaines séquences sont très réussies : Fred dirigeant des cloches de vache (cette séquence souvent décrite comme ridicule, moi j'ai accroché), Maradona jouant avec une balle de tennis, l'envoyé de la reine cherchant à convaincre Fred, Harvey Keitel et Jane Fonda dans un face à face acerbe, Fred croisant Miss Univers sur une place St Marc inondée.


Les références ne manquent pas : Fellini bien sûr à cause de l'hôtel et de l'atmosphère qui y règne (8 1/2), Billy Wilder pour la star déclinante (Sunset Boulevard), Woody Allen pour le look donné à Michael Caine... Là aussi, un côté foutoir, finalement plutôt sympathique. Et Sorrentino a le sens du cadre, comme il le montre par exemple lorsqu'une jeune femme bronzant est vue d'abord au premier plan, puis en fond de scène : une belle idée.


Le problème, alors ? La laideur de l'image. Cela tient-il à l'utilisation abusive des effets spéciaux ? Ou à la retouche des couleurs ? Ce qu'on peut comprendre dans la séquence du rêve de Lena, aux allures de jeu vidéo, on l'admet moins lorsqu'il s'agit de montrer les Alpes, ou un moine lévitant (image très laide). Certaines scènes sont emphatiques : Mick face à toutes ses actrices exhibées sur la montagne, le concert final, Jimmy Tree en Hitler dans la salle du restaurant... Sans compter des dialogues sous forme d'aphorisme parfois à la limite du ridicule, comme la scène de la lunette de vue (l'avenir pour les vieux, l'avenir pour les jeunes).


Tout cela nous ramène à Fellini, dont Sorrentino semble se revendiquer le fils spirituel. Ce foisonnement, ce goût pour l'outrance et l'onirisme. Mais visuellement, le compte n'y est pas du tout. En tout cas dans ce film-là...

Jduvi
7
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le 3 déc. 2019

Critique lue 133 fois

Jduvi

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