Cannes 2015. Les frères Coen encensent Deephan pour les mauvaises raisons - sans renier sa beauté évidente - et balancent Youth aux oubliettes pour ces mêmes mauvaises raisons : il n'est pas dans l'air du temps. À l'heure où parler de sujets sociaux du moment constitue plus aux yeux du grand public un gage de qualité qu'une oeuvre qui traite de la vie, telle qu'on pourra encore en parler lorsque d'autres thèmes deviendront obsolètes (entendons par là "qui ne sera plus d'actualité" : chaque combat social est important et ne sera jamais dépassé), le constat est assez alarmant. Surtout quand on "boude" un film pareil. Au delà de sa pléiade d'acteurs fantastiques, Youth est une oeuvre à la fois légère et complexe, avec un regard consciencieux et original.


Des hommes dans la fleur de l'âge, installés dans une piscine et ébahis devant une jeune femme nue qui les y rejoint. Le symbole représenté les pousse à l'amertume : la conscience de la fin de toute chose, de la vie, des carrières, l'arrivée de la jeunesse "remplaçante" et l'obsolescence de soi. Ce n'est donc non pas juste une occasion de montrer " une belle femme à poil" mais le plan le plus important et le plus symbolique du film.


Que faire face à la conscience de la fin de sa propre existence? Savourer ses derniers instants avec quiétude, ou se battre pour continuer à exister, apporter un héritage plus complet encore ? Avec deux personnages touchants, on aborde le sujet de toutes parts. À travers un père qui va aider sa fille à se retrouver, à travers l'artiste qui ne sait rien faire d'autre que de créer. .. Des sujets simples mais vu avec un regard à la fois émouvant et amusé. Paolo Sorrentino sait de quoi il parle, et nous l'avait déjà prouvé avec La Grande Belezza. Il joue avec le fantasmé, accordant au milieu de son amas réaliste des scènes totalement empreintes de folie visuelle. Que ce soit le clip d'une popstar au talent douteux imaginé par sa rivale ou Michael Caine qui fait une symphonie de clochettes de vaches, ces moments venus de nulle part font plus que sourire.


Avec un talent évident, une imagerie soignée et toujours imaginative, Paolo Sorrentino nous parle de la vie. Mais pas de n'importe laquelle : il s'agit de celle qui crépite sous les râles de son inutilité, celle qui vaut le coup d'être vécu sans qu'on cherche à la comprendre.

ThierryDepinsun
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le 18 sept. 2015

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