Travaux d'aiguilles...

Je ne ressens pas d'attrait particulier pour le monde de la mode. Ce film n'était donc, à priori, pas fait pour moi.
Mais Guillaume Gallienne, que j'admire en tant qu'acteur, y joue Pierre Berger et j'étais très curieux de la prestation de Pierre Niney dans le rôle du grand couturier.

Mes attentes n'ont pas été déçues. Le casting apparaît fait sur mesure. Guillaume Galienne demeure à l'étalon d'excellence qui est le sien d'ordinaire. Son camarade de jeu est une révélation. Il ne se contente pas de jouer à Yves Saint-Laurent, il endosse littéralement le costume du personnage. Les postures, les attitudes, la gestuelle, les intonations, tout respire le parfum de cet artiste de la haute couture. Le seconds rôle ne sont pas en reste avec une Charlotte Le Bon qui ne fait que confirmer l'excellente opinion que j'avais d'elle.
Le naturel des relations nouées entre les protagonistes, en particulier le couple vedette, provoque à certains moments de l'oeuvre une vague puissante d'émotion. La musique du film accompagne à cet égard ces instants de grâce où l'intensité de l'amour transcende les clivages.

Tout ce petit monde déambule dans une époque parfaitement restituée que je n'ai pourtant pas connue. Cette élite culturelle parisienne connaît une période d'émancipation qui apparaît terriblement crédible. L'alcool, la drogue, le sexe, tout semble expérimenté à outrance par ces personnages hors normes où les corps sublimes se confondent dans les plaisirs charnels. Il est d'ailleurs plaisant de constater que de telles scènes peuvent apparaître de nos jours à l'écran pour tout un chacun. Qu'il est bon parfois de constater que la liberté d'expression n'est pas un vain mot dans notre pays ! A la vue d'une passion amoureuse qui habite deux êtres aussi complémentaires, la tolérance ne pourra qu'en sortir renforcée pour ceux qui auront contemplé cette oeuvre.

C'est en effet la complémentarité rare de ce couple qui ressort du propos. Sans l'homme de sa vie, Yves Saint-Laurent n'aurait pu exposer son talent comme il a su le faire. C'est émouvant.
Bien entendu, tout ne va pas sans heurts et les difficultés sont loin d'être édulcorées. Certains passages tendus dessinent les petites trahisons, les malentendus, les ruptures parfois. La narration se suit avec intérêt, même si le milieu du film pêche de petites longueurs. La première moitié et la fin du film demeurent de petits bijoux, un tissu dont la trame révèle les passions qui habitent les êtres humains, fussent-ils esthètes ou bien génies créateurs.
Au-delà de leur réputation, ils demeurent simplement humains avec leur grandeur mâtinée de mesquinerie.

Par-delà l'effet de mode, cette oeuvre mérite d'être découverte. Le défilé de personnages emblématiques des années 50 à 70 habille de belle façon un amour digne des tragédies antiques. A l'instar de celui d'Ariane, le fil de leur vie se dévide jusqu'au coup de ciseau définitif d'Atropos, l'inflexible Moire. Un fil qui fut malmené au cours de leur idylle sans jamais se rompre. C'est très beau.