Au milieu du film, le séduisant Marc Frechette affirme en substance qu'il faut voir le mal pour s'en délivrer. Serait-ce une métaphore pour désigner une révolution cinématographique ?

Antonioni, qui avait déjà esquissé son manifeste esthétique avec L'Avventura et L'Ecclisse, atteint, avec Zabriskie Point, son point d'orgue : le "trip réaliste" dénigré par le héros marque clairement la rupture du cinéaste italien avec ses contemporains. De fait, l'épure esthétique, amorcée dans ses précédents films, est poussée à son paroxysme. Le désert, vide, et flamboyant, et inhumain, et aride, ce Zabriskie Point, synonyme de l'érosion du temps, n'est autre que le signe de l'abstraction esthétique.
Aussi les êtres se fondent-ils progressivement dans le paysage ; les cheveux sont lâchés ; les corps s'enlacent et se confondent avec le sable dans cette scène d'amour et de nudité magnifique très seventies.

Malheureusement, Michelangelo Antonioni n'a pas été compris de ses contemporains. D'ailleurs, il ne peut être vraiment compris encore aujourd'hui si l'on ne considère pas pleinement l'enjeu esthétique qui est mis en scène dans ses films. L'abolition de la narration, dans la deuxième partie, fait de Zabriskie Point un film contemplatif, qu'on regarde par touches, comme pour capter, ça et là, une technique, une prouesse stylistique, une sensation, ou juste le plaisir de voir.

"Dead and Peaceful" tels sont les mots de Daria pour qualifier Zabriskie Point. L'ironie du sort semble avoir joué : la théorie esthétique d'Antonioni n'a jamais été reprise. Or, en même temps, quand on regarde son oeuvre, on a en nous ce sentiment d'apaisement très aérien.
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le 10 déc. 2010

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