Film coup de poing livré par la boxeuse Kathryn Bigelow. Avec Jessica Chastain. Poin(g)t.

Pour son neuvième long-métrage, la réalisatrice Kathryn Bigelow frappe fort une fois de plus. Et elle nous livre un film poignant, coup de poing, tout juste dans le sillage de son « Démineurs ».
Récompensé meilleur film de l’année, « Zero dark thirty » nous plonge dans la traque du commanditaire de l’attaque du 11 septembre 2001. La traque d’Oussama Ben Laden.

Bien que l’on connaisse l’issue du scénario, le scénariste et producteur Mark Boal (de trois projets avec Bigelow, il reste l’actuel spécialiste des drames politiques : « Dans la vallée d’Elah », « Démineurs », « Detroit », « Triples frontières ») nous immerge dans le système de l’espionnage à l’américaine, avec la CIA, pour 10 ans d’enquête. De l’année internationale du terrorisme (2001) à la tuerie de Ben Laden dans sa maison fortifiée d’Abbottabad le 10 mai 2011 en passant par la traque de tous les messagers.
Un scénario complexe, fortifiée et qui ne fait pas dans la demi-mesure puisqu’il relate avec réalisme les interrogatoires musclées des analystes de la CIA infligés aux terroristes.
D’une précision quasi-documentaire, le film relate ainsi les arcanes de la politique Bush et Obama, avec un virage opéré par l’élection de ce dernier.

La musique qui suit l’avancement du film-documentaire est totalement inexistante, c’est plutôt le montage sonore qui va rehausser le style documentaire surtout voulu dans la dernière partie avec l’intervention des forces spéciales dans le dernier bastion de Ben Laden.
Dommage, encore une fois, Alexandre Desplat. Multirécompensé, le compositeur fidèle (Florent Emilio-Siri, Polanski, Audiard) a mis ses talents au service de Peter Webber (« La jeune fille à la perle »), Tom Hooper, Malick, Besson… . Espérons pour du meilleur ! Décidément, je ne suis vraiment pas fan de tes compositions, Alexandre. Mais, en effet, il faut persévérer.

Et la réalisatrice de « Point break » l’a bien compris, puisque son casting vaut tout son pesant d’or. Et ici, tout le monde joue à égalité de ton. Personne n’est pris par le rétroviseur ou ne subit d’humiliation. Des partitions en or pour un casting luxurius.
Tout d’abord, Jessica Chastain. Elle tient le film à elle-seule, se fait l’alter-ego du metteur en scène puisque héroïne à sang chaud dans la peau de Maya, analyste et enquêtrice en chef pour la CIA dans la traque du plus célèbre terroriste de la planète au début des années 2000. Son personnage est aujourd’hui toujours en activité. Une interprétation coup de poing qui lui a valu le Golden Globe de la meilleure actrice dans un drame. Jessica, qui sait se diversifier (« The tree of life », « La couleur des sentiments », « Madagascar 3 », « Le grand jeu ») tient sans doute ici l’un de ses meilleurs rôles, assurément !
A ses côtés, le regretté James Gandolfini -l’inoubliable mafieux de la série « Les Soprano » a notamment joué pour Tony Scott (« True romance », « USS Alabama », « L’attaque du métro 123 »)- campe un directeur de la CIA convaincant à souhait.
Vient ensuite Reda Kateb -repéré par Jacques Audiard (« Un prophète ») et porté en triomphe grâce à Lilti (« Hippocrate »), il joue pour les Wenders, Nakache-Toledano…-, premier prisonnier-martyr qui apparaît à l’écran.
Kyle Chandler, le supérieur hiérarchique de Maya, apporte l’épaisseur politique attendu du film. Bon point Kyle ! Si le monde de la télévision et des séries lui a apporté la gloire, il ne néglige pas pour autant le cinéma : « Le royaume », « Argo », « Le loup de Wall Street »… .
Avec également le vénézuélien Edgar Ramirez, Mark Strong, Harold Perrineau, Frank Grillo. Un casting cosmopolite donc qui permet à Kathryn Bigelow de briguer son film et d’asseoir sa réputation de metteur en scène internationale.

Le style coup de poing de la réalisatrice de « Strange days » et « K19, le piège des profondeurs » est mis en avant dans la dernière heure, surtout lors de l’attaque de la baraque de Ben Laden tourné avec une caméra numérique. Une révolution dans la mise en scène et pour le montage des images opéré par le chef monteur William Goldenberg -monteur attitré de Michael Mann dans les 90’s (« Heat », « Révélations », « Ali »), c’est à partir de « Transformers 3 » qu’il devient chef-monteur (« Invincible », « Detroit »).
Une dernière partie du film ainsi bluffante de réalisme pourtant tourné dans le noir et à la seule vision des caméras de l’escadron, on peut se sentir laissé-pour-compte car pas assez de lumière. Mais l’ex de James Cameron l’a très bien compris, car pour le raid final, cet escadron de la mort nous immerge dans le combat qu’il a livré pendant une demi-heure.
Le ressenti que j’ai est ainsi biaisé car j’aurai aimé davantage sentir le pouls de cet escadron.
La mise en scène est davantage poussée et renforce le sentiment d’oppression que tous les militaires de l’armée ont subi pour gagner cette guerre contre le terrorisme.
Bigelow, qui a signé son dernier drame « Detroit », nous fait ainsi sa leçon de cinéma et nous prouve qu’elle fait dorénavant partie des metteurs en scène sur qui on peut compter aujourd’hui.
« Zero dark thirty », c’est aussi la lutte du pouvoir, les arcanes de la politique, les coups-bas de politiciens peu scrupuleux. Ce que Bigelow dénonce allégrement au son de sa captation du pouvoir.
Une mise en scène à double tranchant qui dézingue aussi bien dans les sphères politiques que dans la révolution du cinéma. Bigelow ou l’art de mettre les petits plats dans les grands. Kathryn se prend pour Terminator et tant mieux, car elle nous pond un film d’une intensité dramatique coup de poing, coup sur coup après « Démineurs », le film le plus acclamé et couronné de 2010.

Pour conclure, « Zero Dark Thirty » (2013), film social et politique récompensé de l’Oscar du meilleur montage sonore, excellent cru de l’année 2013, restera ce long-métrage mis en scène par la boxeuse Kathryn Bigelow.
Interdit aux moins de 13 ans.
Spectateurs, savez-vous rendre les coups ?