Petit passage par la filmographie de David Fincher, réalisateur au talent indéniable, entre autres à l’origine de l’immanquable Seven, Fight Club, et des excellents Gone Girl et L’Étrange histoire de Benjamin Button. Ces noms parlent d’eux-même pour confirmer le fait que ce monsieur est doué d’un talent certain et que le visionnage de Zodiac, thriller réalisé en 2007, ne fera que confirmer cela.


Brièvement, Zodiac s’intéresse à la longue et véritable enquête menée sur le tueur du même nom. Le film propose donc de la suivre sous le point de vue des journalistes, de la police, mais aussi du tueur. Bien ignorant, ma connaissance du pitch du film se résumait à « une enquête sur un tueur en série qui laisse plein de messages et énigmes mystérieuses qui vont finalement permettre de le démasquer ». En gros, j’étais quand même un peu à côté de la plaque, un peu. Cette image me faisait alors penser à un petit frère de Seven, ce qui n’est pas vraiment le cas, mais il peut fournir une clé de réflexion concernant Zodiac.


En effet, là où les deux films divergent rapidement, c’est sur le simple fait que l’un est une pure fiction, quand l’autre restitue à sa manière des faits réels. Dans cette optique, Fincher propose deux types de réalisations bien différentes, Seven étant très romancé, avec un rythme assez rapide, quand Zodiac est beaucoup plus lent et moins tape à l’œil. Cette différence permet de mieux comprendre l’importance des choix de réalisation sur notre perception d’un film et de son contenu.


Zodiac s’intéresse à une enquête qui s’étale sur un long laps de temps. Par conséquent, Fincher a adapté le rythme de son film à l’évolution-même d’une telle enquête, c’est-à-dire avec une brève introduction, l’élément perturbateur, les débuts tonitruants de l’enquête, l’étude des pistes envisagées, puis le ralentissement progressif dû à la médiatisation décroissante de l’enquête et au découragement des protagonistes. Ainsi, contrairement à de nombreux films, Zodiac adopte un rythme qui va généralement decrescendo, une prise de parti évidente visant à désarçonner le spectateur et à l’intégrer directement dans le processus d’une enquête de longue haleine comme celle-ci.


David Fincher met également un point d’honneur à sa réalisation concernant le contexte dans lequel se déroule l’intrigue. En effet, celle-ci débute à la fin des années 1960. Le film débute sur un très beau travelling filmé depuis l’intérieur d’une voiture, nous permettant d’apprécier quelques instants l’ambiance à la fois chaleureuse et nostalgique d’une nuit d’été des années 1960. La première moitié du film baigne dans ces mêmes teintes et lumières assez chaudes et enveloppantes qui rappellent assez cette époque. De plus, le film ne manque pas une occasion de caser des références culturelles pour permettre d’encore mieux contextualiser l’intrigue, avec par exemple une scène au cinéma lors d’une séance de Dirty Harry, ou Inner City Blues de Marvin Gaye en fond sonore lors d’une ellipse temporelle. L’intrigue dispose ainsi d’une narration juste et d’un ancrage culturel tel que le spectateur peut disposer de repères et saisir l’essence de l’intrigue.


Une intrigue qui risquerait d’ailleurs d’être bien fade sans ses protagonistes triés sur le volet, avec Jake Gyllenhaal en jeune dessinateur, enquêteur improvisé et passionné, Robert Downey Jr, le journaliste cynique et adepte des excès, ou encore Mark Ruffalo le flic intègre, sérieux et investi. Zodiac propose une palette de personnages variés, aux différences qui se muent dans une complémentarité se fondant dans la tournure que prend l’enquête, passant d’une histoire passionnante à une énigme tortueuse et fatigante. Il est également intéressant de suivre l’évolution des personnages au fil du temps, lesquels sont directement affectés par le déroulement de l’enquête. Grâce à cela, le spectateur saisit mieux le climat d’excitation médiatique et de paranoïa que peuvent provoquer de tels faits divers, mais également leur effacement progressif (mais jamais définitif) à travers le temps.


La clé de la réussite pour Fincher concernant Zodiac réside donc dans la manière dont il restitue les évènements, en choisissant de ne pas réaliser un film explosif et très romancé, mais un film bien plus terre-à-terre, froid et inquiétant. Le côté « inspiré de faits réels » resurgit ici avec force et, même si cela peut s’avérer quelque peu déconcertant, c’est fait avec avec une habileté suffisante pour que cet aspect assez glaçant que revêt le film devienne paradoxalement attirant. Pour ma part, ce n’est pas mon film préféré de David Fincher, mais le visionnage de Zodiac me conforte dans l’idée que, même en sortant des sentiers battus, il reste l’un de mes réalisateurs préférés.


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le 18 mai 2015

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