Bonello à Cannes, c’était, forcément, un rendez-vous attendu par beaucoup. Le cinéaste a su se forger une réputation, à travers ses précédentes réalisation telles que L’Apollonide : Souvenirs de la maison close, Saint Laurent et, malgré un échec en salles, Nocturama. J’avais justement visionné ce dernier dans la volonté de me familiariser avec le cinéma de Bonello, et j’avais pris une jolie claque en découvrant un film particulièrement bien mis en scène. J’étais donc dans les meilleures dispositions pour appréhender le visionnage de son nouveau film, Zombi Child. Pourtant, cela ne m’a pas empêché d’être plus que dubitatif à l’issue de cette séance.


Sur le papier, le synopsis de Zombi Child était assez séduisant. S’aventurant dans les genres de l’horreur et du fantastique, on pouvait espérer que la patte de Bonello allait servir un métrage ne présageant que du bon. Et le début du film est en cela intéressant, avec une introduction nous ramenant en 1962 en Haïti, où un homme meurt et est enterré, avant de finalement revenir d’entre les morts et errer dans une plantation de canne à sucre où il est exploité. Avec une ambiance nocturne et étrange, nous baignant dans un monde hors du temps, on découvre ces « zombis », ces hommes qui ne ressemblent plus qu’à des enveloppes corporelles vidées de leur âme, marchant et travaillant en étant dans un état second perpétuel. Puis nous retrouvons de jeunes adolescentes dans un pensionnat, où d’autres mystères semblent également planer dans les environs.


Zombi Child alterne régulièrement entre l’errance de Clairvius, le zombi haïtien, et le quotidien des adolescentes, notamment de l’une d’entre elles, qui correspond souvent avec une autre personne dont elle est amoureuse, et d’une adolescente haïtienne, qui connait l’histoire des zombis. Il y a donc, d’un côté, les égarements nocturnes du zombi, qui tente de s’enfuir de l’emprise de ses geôliers, et, de l’autre, les déboires sentimentaux de l’adolescente. Comme il aime le faire, Bonello apporte une touche de fantastique et d’onirique dans la construction de ses plans et l’élaboration de ses ambiances, notamment dans les nuits éthérées d’Haïti, et dans les nuits du pensionnat, éclairées à la bougie, au milieu des statues. Oui, Bonello sait mettre en scène et stimuler les sens du spectateur. Mais là où Zombi Child pêche, c’est dans son incapacité à tirer profit des éléments qu’il expose, à savoir les associer pour construire le ciment de son intrigue, sans que cela ressemble à un inventaire à la Prévert, et que les enjeux en deviennent imperceptibles.


Le parcours de Clairvius, le zombi, dans la jungle haïtienne, a un certain sens. Cependant, son rapport avec celui de l’adolescente est difficile à comprendre. Au fur et à mesure que l’histoire avance du point de vue des adolescentes, on se demande bien où le réalisateur veut en venir, où ça va bien pouvoir aboutir. On essaie de comprendre ce dont Bonello veut parler, en pensant d’abord à l’esclavage, puis en éliminant finalement cette hypothèse pour penser à l’émancipation, où à une exploration des folklores et des croyances et, finalement, se rendre compte qu’il s’agit surtout de faire le deuil d’une amourette adolescente entre une jeune fille qui rêve de son bellâtre marchant torse nu dans la forêt et l’emmenant en moto. Finalement, l’explication du cinéaste sera qu’il fallait faire un parallèle entre la souffrance du zombi, passé pour mort, et celle de la jeune fille, lâchée par son petit ami, et qu’il n’y a, finalement, pas de souffrance plus grande qu’une autre. Sauf qu’aucun élément ne permet réellement de lier ces deux intrigues, de faire un parallèle, emportant le spectateur dans un tourbillon de « va-t-il se passer quelque chose ? », « quel est le rapport ? », « où veut il en venir ? ». Car, forcément, diviser un film en deux sous-intrigues nécessite que ces deux dernières trouvent quelque chose qui les relie pour servir un ensemble, ce qui n’est pas vraiment le cas ici ou, tout du moins, la manière dont c’est pensé est loin d’être judicieuse.


Et pourtant, l’histoire (vraie) de Clairvius Narcisse était tout à fait intéressante à adapter et à exploiter. C’est d’ailleurs là que le film de Bonello tient la plupart de ses points positifs, les enjeux de l’histoire des adolescentes étant globalement très faibles et pauvres, alourdis par des clichés, et peinant à se développer pour aboutir à un « tout ça pour ça ? ». La sensation finale est que le film de raconte pas grand chose, s’étirant et s’enlisant au fur et à mesure qu’il avance. Oui, c’est bien de parler de folklore, de traumatismes, de l’adolescence, de possession, de mythes et de légendes. Mais exposer tous ces éléments à la volée ne fait pas de Zombi Child une révolution ou une oeuvre complète, loin de là. A la fin, on se dit que c’était quand même beaucoup, pour vraiment pas grand chose.


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le 19 mai 2019

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