Zurich
5.2
Zurich

Film de Sacha Polak (2015)

... ou le calvaire d'une vie entière réduite à un mensonge qui sombre dans la tombe.


Une femme tourmentée, vagabonde, tiraillée par son passé avec un homme, incarnée par la chanteuse néerlandaise Wende Snijders. On la voit, immergée avec lui, Boris, l'homme de sa vie comme on l'imagine, dans une survie où elle délaisse Boris pour rejoindre la surface et c’est ce que l’on retrouve tout au loin du film : une volonté de renaitre de cette tragédie sordide, ou comment vivre avec un mensonge enterré avec l'être aimé. De camion en camion, elle feint les agressions et la violence aventureuse des routiers dans la nuit avec les sorties dans des bars qui semblent un refuge consternant où elle a trouvé une forme de libération de d’apprivoisement de ses traumatiques expériences à travers le chant et la musique qu'elle exerçait autrefois dans la joie d'une vie apparaissant banale, heureuse et sans accro.


Ce qui est intéressant dans un film c’est partir d’une héroïne qui combat sur terre, sur les routes où les voitures défilent de gauche à droite et de droite à gauche, l’aventure qu’est son existence entre passé et futur incertain, le présent comme empreinte de survie et comme simulacre d’échapper d’un autre côté à une réalité qui la rattrape constamment et m’a profondément touché. L'abandon de sa fille, la mort de son chien. Ce chaos vient bouleverser toute une atmosphère qu'on ne s'imagine pas forcément comme la chute du film : l'homme qui l'étreignait menait une double vie. Impossible de se résoudre à aller à l'enterrement du vide qui constitue maintenant son coeur, sa vie partie en poussière tout comme son mari dans les fougères.


La réalisatrice touche du doigt le prolongement de la perte, pas seulement de l’être aimé, mais de son existence propre à travers lui. A un moment, elle effleure ce qu’elle aimerait et qui lui semble maintenant impossible : vivre dans la norme, fonder une famille, avoir un.e enfant. Se reconstruire dans l'idéal patriarcal qui nous colle à la peau et nous démunit de tout lorsqu'il s'évanouit.


Elle croise un jeune homme qui va dans sa direction en Hollande avec un ballon en forme de coeur, un auto-stoppeur, un compagnon de galère qu’elle n’hésite pas à escorter dans la voiture qu’elle a loué. Il partage la même volonté qu’elle, celle d’être ailleurs mais cet épisode reste bref, elle reste manifestement seule tout au long du film.


Entre tentative de fuite du passé, du mensonge, de feindre le présent et l’espérance d’accéder à un futur sauf, cette femme incarne l’image de beaucoup de femmes d’aujourd’hui, encastrées dans une reconstruction d’elles-mêmes, souvent avec un lourd passé traumatique, une mémoire traumatique que l'on voit ressurgir à de multiples reprises dans le film. Comment s’émanciper, échapper à l’indicible afin de se reconstruire une nouvelle identité, rêver à nouveau ?


La folie la prend d’une certaine manière lorsqu’elle va chercher le chien qu’elle avait avec Boris, son ancien compagnon et questionne le chien en lui demandant « où est Boris ? » dans une forme de formulation désespérée.


La fille qu’elle a eu avec Boris, l’homme aux plusieurs facettes, elle l’abandonne finalement, tout comme l’homme avec qui elle va vivre un certain temps, va le faire, Matthias, en plein milieu d’une aire d’autoroute où elle pensait pouvoir retrouver une vie agréable, qui s'évapore.


C'est une femme perdue que le monde indiffère et dont tout le monde ne se soucis plus, gravitant dans l'illusion de succomber à la folie, une âme désespérée, dépressive, consternée et abasourdie par le sens même du mot "vivre".

Créée

le 28 avr. 2020

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