Près de 90 ans après sa sortie, A l'ouest rien de nouveau n'a pas pris une ride et demeure un chef d'œuvre intemporel du septième art. Avec son message pacifiste et sa mise en scène sidérante d'efficacité, il reste encore et toujours une référence incontournable du film de guerre, et pas seulement...


Alors que depuis 1929, le cinéma parlant prend peu à peu le pas sur les films muets, Lewis Milestone (qui réalisera bien plus tard L'Inconnu de Las Vegas et Les Révoltés du Bounty) saisit l'occasion et réussit pleinement le pari en réalisant le premier film de guerre parlant avec ce A l'ouest rien de nouveau, adaptation du roman de l'auteur allemand Erich Maria Remarque publié en 1929. Sa manière de sonoriser le film, tout en dédaignant l'apport de musique (parfois rajoutée par les distributeurs), est pour le moins marquante alors que nous sommes aux balbutiements de cette évolution technique. Les bruits des obus et missiles sonnent plus vrai que nature et scandent le récit. De plus, dès la première séquence avec le professeur appelant ses élèves à s'engager, Milestone parvient à rendre tangible l'idée que les paroles infusent sur les esprits, et ce de manière didactique en filmant les réactions, et rêves, des jeunes face aux harangues. L'enfer de la guerre est également parfaitement retranscrit à l'image, et pour un film de 1930, ça reste assez bluffant. Assisté d'anciens officiers de la Première Guerre Mondiale et de très nombreux figurants, le réalisateur nous fait revivre l'horreur des champs de bataille. Caméras subjectives, travellings latéraux au-dessus des tranchées ainsi qu'une image légèrement accélérée donnent un rendu tout à fait sidérant, une modernité et une efficacité encore exemplaire aujourd'hui.


"PLUS JAMAIS ÇA !"


Au-delà de la maitrise technique, ce long-métrage a également marqué l'histoire du cinéma grâce à son discours pacifiste et malgré tout très pessimiste. Sorti dans l'entre-deux guerres, à une époque où d'anciens combattants de la Première Guerre Mondiale militaient pour le « plus jamais ça », le film fut un succès à travers le monde et remporta deux oscars dont celui du meilleur film, le premier pour Universal. Toutefois, comme un révélateur des événements à venir, il reçut un tout autre accueil en Allemagne où membres des SA-SS, pas encore au pouvoir, œuvrèrent à l'interdiction du film, au bout d'une semaine, à force de créer des échauffourées. D'ailleurs, le livre de Remarque, qui s'inspira de sa propre expérience de soldat volontaire, fera partie des têtes de liste pour les autodafés de 1933, et l'auteur dut s'exiler... Pourtant le film, qui est une parfaite adaptation du roman, ne peut être taxé d'anti-allemand et la force de Milestone est de rendre le sujet universel. Cette bande de jeunes va-t-en-guerre aurait pu être de n'importe quelle nationalité. Milestone comme Remarque dans son livre, cherche surtout à démontrer l'inutilité et la fatalité de la guerre : « tuer ou être tué ». Grâce à une mise en scène intelligente, le cinéaste fait peu à peu rentrer Lew Ayres (un sosie de Alan Ladd qui sera d'ailleurs objecteur de conscience durant la Seconde Guerre Mondiale !?) dans le rôle d'acteur alors que lui et ses camarades restent longtemps tels des spectateurs face aux soubresauts de l'Histoire.


Tour à tour comique, ironique, très violent (le code Hayes n'était pas encore en place, ce qui nous permet d'assister à une scène incroyable où un soldat laisse littéralement ses mains sur un fil barbelé après une explosion), émouvant et révoltant, A l'ouest rien de nouveau demeure un film exemplaire aussi bien d'un point de vue cinématographique qu'historique. Un indispensable pour les amoureux du cinéma.


(Retrouvez l'évaluation de la partie technique de l'édition Blu Ray-dvd de Elephant Films par ici : http://www.regard-critique.fr/rdvd/critique.php?ID=6720)

SB17
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le 10 févr. 2022

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