Chef-d'oeuvre tragique et flamboyant, Adieu ma concubine travers un demi-siècle d'histoire de la Chine à travers le destin de deux acteurs d'opéra liés par l'art, l'amour et la fatalité. Chen Kaige signe un film d'une ampleur rare, mêlant fresque politique et mélodrame intime avec une élégance baroque. Tout ici respire la beauté et la douleur : les visages peints, les costumes splendides, la musique envoûtante, mais aussi la cruauté du monde qui broie les êtres sensibles.
Leslie Cheung incarne avec une intensité bouleversante Cheng Dieyi, artiste androgyne pris entre son rôle de concubine et son amour impossible pour son partenaire Xiaolou. Sa lente désintégration symbolise celle d'un pays qui, sous les révolutions successives, sacrifie la pureté de l'art à la politique et à la peur. La mise en scène, ample et sensuelle, capte chaque émotion dans une lumière d'opéra : le rouge du désir, le gris de la désillusion.
Si le film souffre par moments de quelques longueurs et se montre quelquefois un peu trop grandiloquent, il reste une expérience hypnotique, un cri d'amour au théâtre et aux âmes brisées. Adieu ma concubine est un drame sur la fidélité, à soi-même et aux autres, sur le prix de la beauté dans un monde sans pitié. Triste, somptueux, inoubliable.