Voilà longtemps que je n'ai pas pris la plume typographique pour m'engager de nouveau sur le terrain houleux de la critique ; et pourtant en sortant penaud de la salle obscure le constat était là. Pourquoi conspuer à ce point un film qui réussit là où l'intouchable Burton s'est heurté à un manque créatif ?


Pour débuter, Alice de l'autre coté du miroir est un excellent film pour enfant, histoire de poser mes sandales dans la glaise. Mais c'est tout simplement un vrai effort créatif qui a su faire fourmiller un univers rendu abyssal et terne par son prédécesseur. Il y a certes beaucoup de points à aborder alors prenez mon bras et passons ensemble de l'autre côté du miroir.


I- Un monde fantaisiste


Enfin, l'univers d'Alice aux pays des merveilles se passe réellement au pays des merveilles. Cette phrase ne paraît pas si antithétique lorsque l'on considère le film de Burton : dans ce dernier les décors peu variés, l'ensemble particulièrement incolore et le fait d'enchaîner sans concession des sortes de micro-scènes sans connections ne font guère voyager et finalement je me permet de supposer que deux heures de pellicule (oui c'est désuet de dire cela de nos jours) étaient bien insuffisant pour coucher tout un univers riche et varié.


Mais dans ce deuxième opus, voilà un point réussi ; les décors sont colorés, créatifs et variés, nous emmenant littéralement dans un monde imaginaire. Il suffit de comparer le château de la reine de coeur dans le premier opus qui n'est autre qu'un château en biais, et celui que la maléfique reine rouge occupe une fois bannie de son "propre royaume". Ce château très vivant, fait de racine gangrenée de rouge qui abrite une faune insectoïde et de personnages qui font références aux oeuvres du peintre Archimboldo font directement mouche (en même temps avec des insectes...) ! Voilà un décor qui colle parfaitement à un monde imaginaire et qui semble assez inédit en soi !


Tout cela est sans compter sur le château du Maître du temps qui est un effort créatif tout aussi appréciable. De plus, le manque de couleurs vives chez ce personnage, qu'il s'agisse de son habitat ou de son costume, tranche avec le pays des merveilles : bien joué ! En effet le temps est à la fois présent dans le pays des merveilles, mais ne s'éloigne pas autant de notre monde réel que le reste de l'univers. Le conserver en demi-teinte l'ancre dans les deux monde à la fois. Même les designs des petits serviteurs mécaniques du Temps sont très bien pensés et variés ! Là où il aurait été bien plus simple de designer l'un d'entre eux et de le décliner pour l'animer de différentes manières, chacun de ces petits mécanismes secondaire a son propre design qui fait vivre et vibrer un vaste univers.


Cet aspect fantaisiste connaît cependant un bémol : le manque de variété dans les espèce que l'on croise. En somme, à part les personnages principaux, difficile de voir à l'arrière plan autre chose que des poissons et des grenouilles, ce qui est un peu léger à mon sens.


II- Un film spectaculaire


Car si vous acceptez qu'il s'agit d'abord d'un film pour enfant qui fait voyager, vous pouvez aussi en profiter pour en prendre plein la vue. Le traitement de la 3D est à mon sens l'un des meilleurs que j'ai vu jusqu'alors. En sortant de la salle j'avais pour une fois l'impression d'avoir vécu une expérience cinématographique. C'est donc d'un choix de réalisation que naît ce sentiment d'attraction ; le réalisateur a construit son film de manière à ce qu'il soit vécu en 3D (ce qui sera donc aussi un point faible lors de la sortie pour les écrans de nos foyers) : ainsi la "mer du temps" que l'on traverse pendant le film joue énormément sur la succession des plans avec un objet que l'on suit et la succession des plans qui génèrent le décor. Dans cette vaste mer, l'un des meilleurs concept du voyage dans le temps que j'ai personnellement expérimenté, nous avons vraiment l'impression de voguer à toute vitesse dans un espace surnaturel. Un plan zénithal pendant une course effrénée dans les escaliers? Une descente vertigineuse de la caméra qui joue sur la profondeur et donne une vrai sensation de chute. Ou encore le retour en arrière qui donne lui aussi une vrai sensation de mouvement lorsque Alice traverse pour la troisième fois (il me semble) le miroir et qu'elle se retrouve dans le monde réel en court de film. Un vrai tour de force à mon sens.


Petit détour rapide sur les personnages qui assument enfin leurs folies : La reine blanche exagère encore ses mimiques de princesses sans être surjouée ce qui, je dois le confesser, m'a fait beaucoup rire pendant ses apparitions. Même la reine rouge me paraît plus crédible dans l'ensemble. Petit bémol et pas des moindres si j'ose m'exprimer ainsi ; quasiment tous les personnages sont balayés d'un revers par Sacha Baron Coen dans le rôle de maître du temps : un vrai design et un personnage qui, comme le temps lui-même, n'est ni bon ni mauvais, complètement extravagant et mérite vraiment le coup d'oeil. De quoi quasiment éclipser un Johnny Depp que j'ai surtout trouvé épisodique à l'écran.


III- un monde, une quête


Le film suit un véritable fil rouge : le voyage dans le temps, ce qui le rend moins chaotique que son prédécesseur qui avait cette fâcheuse tendance à partir dans tous les sens sans pour autant assumer son absurdité. Ici, tout est présent : un véritable fil conducteur que l'on suit et fait progresser l'histoire et une dose savamment pimentée d'absurde ; je pense surtout (no spoil) à l'histoire des deux reines qui se répercute très bien avec l'univers d'Alice au pays des merveilles.


Dans le film Alice semble réellement évoluer au court du récit : sa quête initiatique est très claire et se résolve très bien. Mais surtout, l'on comprend parfaitement cette résolution : il y a une véritable cohérence dans le personnage et sa progression ! Dans le film de Burton, aucun élément (bon, peut-être la bataille avec un "dragon" parce que je n'ai pas le courage d'écrire le nom de la bestiole en question) ne permet de comprendre l'évolution d'Alice entre la fille soumise à une société prout prout et sexiste pour devenir la femme forte de la fin du film ! Alors que de l'autre côté du miroir l'on comprend parfaitement qu'elle passe de la fille forte à la fille responsable parce qu'elle traverse des épreuves qui la font réagir aux problématiques que pose le film en ouverture ! A mon sens, une base aussi sacrée du récit dans son sens global n'était même pas correctement traitée dans Alice au pays des merveilles !


Le message qui en résulte, certes pour les enfants, ne baigne pas tant que cela dans la sucrerie disneyique (oui l'on peut aussi inventer son propre langage) mais soulève une vrai problématique de la vie : que fait-on de notre temps et comment vivre avec ce concept inéluctable.


Pour conclure plus largement, Alice de l'autre côté du miroir est un bon film de divertissement. Bien plus créatif et assumé que le premier opus, l'on voyage enfin dans un pays des merveilles fantaisiste et fructueux. Assumant également cet aspect "univers fondé sur l'esprit Lewis Carrol" plutôt que souhaitant être une adaptation "fidèle" si j'ose dire, donc plus décomplexé. Je ne comprend tout simplement pas pourquoi l'on crache au visage d'un film avant même, pour certains, de l'avoir visionné. Apparemment certaines polémiques autour de Depp, dont je n'était même pas au courant, le triste succès du précédent film qui, je le rappelle, a brassé un bon milliard de dollar : autant d'éléments qui font un trou dans la coque d'un bateau au port et qui coulera à quelques mètre du quai sans voir le large alors que vous conseille réellement de prendre place dans le vaisseau et de vous laisser voguer pendant un temps, dans cet univers enchanté.


Votre serviteur,


Rahab.

Rahab
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le 6 juin 2016

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Rahab

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