Petit, Gunnm (1990-1995) fut l'un des tout premiers mangas que j'ai lu. Violent et subversif (au moins pour mon âge), il m'a introduit au cyberpunk. Il reste pour moi un des chef-d'oeuvres japonais du genre. Ainsi, quand j'ai appris qu'Hollywood allait en faire une adaptation, j'ai un peu serré le fondement. J'étais partagé entre la peur causé par les résultats... mitigés, dirons nous, d'exercices similaires (Dragonball Evolution, 2009, Death Note, 2017 ou encore Ghost in the Shell, 2017) et l'espoir que Robert Rodriguez, réalisateur en dents de scie, soit dans un de ses bons jours (comme pour Sin City, 2005). Parce que Rodriguez, grâce à son style très particulier, fait partie de cette poignée de réalisateurs qui pouvaient réussir cette adaptation.


Mais ce qui m'a marqué d'emblée est qu'Alita : Battle Angel (2019) ne ressemble pas du tout à un film de Rodriguez. Exit la violence hardcore mise en scène de manière très stylisée, disparus les univers sombres et loufoques. On garde bien sûr un peu de grandiose dans la réalisation et les décors, mais fondamentalement, ça ressemble à beaucoup de choses déjà vues depuis une dizaine d'années. En réalité, ça ressemble à du Cameron, qui devait à l'origine réaliser le film mais qui était trop pris par les suites d'Avatar (2009), qui du coup n'est que producteur ici. Coïncidence ? Je ne pense pas.


Alita : Battle Angel nous propose donc une version très édulcorée de Gunnm, comme on pouvait malheureusement s'y attendre. L'ultraviolente décharge ressemble à une ville méditerranéenne, ou plutôt mexicaine, un peu crade, dans laquelle il faut juste faire attention à ne pas se balader seule le soir. La loi du plus fort et du système D ne semblent pas si omniprésentes. L'oppression injuste de Zalem ne s'y ressent que vaguement.


Malheureusement, tout ça n'est pas anodin. La violence trash de Gunnm n'était pas gratuite. Gally (pour une raison ahurissante les traducteurs français ont choisi son nom américain, Alita) se construit par opposition à cet environnement cauchemardesque. Elle est la fleur rare, l'innocence au milieu de la perversité, la beauté au milieu de la laideur. Diminuer cette perversité et cette laideur appauvrit en retour son personnage. Et cela appauvrit également les rôles secondaires, qui y se construisent en adéquation avec cet environnement : Yugo, l'orphelin endurci au bon fond, ou Ido, partagé entre idéalisme et pragmatisme.


Alita : Battle Angel est une mauvaise adaptation. Mais est-ce un bon film ? Difficile à dire. Son scénario un peu bâclé ne m'a pas vraiment convaincu, c'est manifestement une sorte d'introduction pour une suite. La quête d'identité d'Alita semble tronquée, et la réflexion du film sur le transhumanisme est bloquée au minimum syndical. Waltz (Ido) et Salazar (Alita) sont bons, mais Johnson (Hugo) est beaucoup trop lisse. C'est juste un film d'action plutôt bien rythmé, aux combats pas mauvais mais passe-partout.


À noter que les grands yeux d'Alita m'avaient initialement choqués, mais après réflexion, c'est intéressant de pousser volontairement l'héroïne aux portes de la vallée dérangeante pour questionner son humanité. Ça et ça lui donne un côté "manga" intéressant. Plutôt malin comme démarche.


Bref, c'est logiquement qu'Alita : Battle Angel, est une déception. Le film fera passer le temps, sans plus. Sans être des chef d'oeuvres, je recommanderais plutôt le Ghost in the Shell avec Johannson et l'Elysium (2009) de Blomkamp —sorte d'adaptation accidentelle non officielle de Gunnm—, qui valent un peu plus le coup d'oeil. Mais, surtout, on recommendera les oeuvres originales, bien sûr.

Bastral
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le 23 sept. 2019

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