Sur un postulat classique, Paul Schrader nous immerge donc dans le quotidien d’un homme-fantasme, jouant subtilement sur ses atouts (il remarque facilement les tics traduisant la solitude et l’envie) pour satisfaire sa clientèle féminine, sans pour autant jamais avouer réellement quel est son métier. En cela, le film se révèle assez subtil, puisqu’il expose ce jeu de séduction implicite qui passe par une façon d’aborder, de se mettre en valeur… Tout est là, avec le culte de l’apparence, l’école du goût et le constant marchandage de ses honoraires avec les macros qui lui offrent les opportunités. L’essentielle de sa clientèle réclame essentiellement sa compagnie et son bon goût (Julian est d’ailleurs instruit (plusieurs langues à son actif), et désireux de sans cesse perfectionner son impeccable numéro). Avec, toutefois, des restes d’amour propre (tétanisante séquence où Julian, payé par un mari tortionnaire, se voit ordonner de frapper la femme de ce dernier). L’univers est dépeint, arrive alors le fait divers, et la dégringolade. La suspicion de Julian dans une affaire de meurtre et de vol apporte son lot de retard, de mauvaise publicité et de révélation à la vie publique de laquelle Julian se préservait plus que tout (soignant son image). C’est au cours de cette période que le film se met à exposer son axe secondaire : la jalousie masculine. Si la première partie prédisait la chute de Julian par son trop grand nombre de clientes, c’est la jalousie de leurs maris qui semble davantage à craindre (surtout quand ces derniers sont influents, soit pour l’essentiel de sa clientèle). Le portrait social est clair et sans détours. C’est une autre jalousie masculine que le film s’amuse aussi à révéler : celle des moins chanceux et des moins maniaque du physique, qui envient à Julian son charisme sexuel immédiatement perceptible. Le personnage du commissaire est exactement dans cette position, se servant de son uniforme pour harceler Julian, tout en le cuisinant officieusement sur la façon de s’habiller, en lui demandant de discrets conseils pour améliorer son image. Le dénouement de l’enquête, ainsi que celui de l’histoire en question sont d’un moindre intérêt. C’était dans le script, mais comme on s’en fout, pas de formalité. Reste une élégante photographie et un bon numéro d’acteurs, suffisamment subtils pour souligner la subtilité des comportements humains dans le clientélisme de la compagnie masculine. Assurément un film à ne pas sous-estimer.
Voracinéphile
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le 23 mars 2014

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Voracinéphile

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