C'était sa guerre

Vu pour la deuxième fois.

Il n'était pas évident de se lancer dans l'adaptation de l'autobiographie de Chris Kyle, et ce d'autant plus que l'intéressé fut assassiné moins de deux ans avant la sortie du film. C'était aussi un homme convaincu du bien-fondé de sa mission - dans l'intention de protéger sa patrie - alors que l'on sait depuis que le déclenchement de cette guerre repose sur des arguments fallacieux. Ceci n'en fait pas nécessairement une mauvaise personne, mais plutôt quelqu'un dont le trait de personnalité protecteur et le patriotisme ont été instrumentalisés, comme pour tant d'autres.

Ces questions ambiguës ne seront pas abordées ici, ce qui est surprenant pour un Clint Eastwood, d'habitude pourtant à l'aise avec les dilemmes psychologiques ou les personnages torturés ; mais Kyle n'en est pas un.

La question du caractère justifié ou non de la guerre sera très succinctement abordé, mais par l'intermédiaire de camarades de Kyle qui parfois s'interrogent, mais on reste vraiment en surface. On comprend dès lors qu'il s'agit de respecter l'autobiographie de Kyle et donc la mémoire du héros, même si cela peut paraître décevant car en 2014, le doute n'était plus trop permis.

Bradley Cooper et Clint Eastwood, moins marqués politiquement que d'autres correspondaient donc le mieux aux profils requis pour cette adaptation. Un Oliver Stone aurait été plus compliqué.

L'aspect idéologique mis à part, le rendu est de très bonne facture. La mise en scène d'Eastwood, moins personnelle et intimiste qu'à l'accoutumée est néanmoins efficace. L'action est bien gérée et les scènes ressortent comme assez réalistes. Une rivalité est inventée pour servir de fil rouge et cela fonctionne bien. On est toutefois en dessous de son diptyque sur la deuxième guerre mondiale qui prêtait plus à réflexion.

Bradley Cooper est lui excellent dans le rôle titre. On voit qu'il s'y est investi, notamment physiquement, pour retranscrire parfaitement cette solitude du sniper, son rapport aux armes et à la violence. Sienna Miller est crédible de son rôle et a beaucoup de charme, même si le personnage de la femme qui pleure à la maison est un peu éculé.

On a donc un film bien exécuté avec la réunion de plusieurs talents. La psychologie et la vision du monde de Chris Kyle sont bien dépeintes (elles étaient apparemment dans le livre que je n'ai pas lu) pour comprendre le personnage. L’intérêt se situe essentiellement dans l'action et la position du sniper dans le conflit que sur le fond de la guerre en elle-même. Comme on l'a compris, il était difficile de faire autrement.