Publicité mensongère : quand la satire s'égare dans son propre slogan

And Now a Word from Our Sponsor de Zack Bernbaum part d’une idée aussi originale que prometteuse : et si un ponte de la publicité ne pouvait plus s’exprimer qu’en slogans ? L’idée a de quoi séduire : une critique acide du langage commercial devenu omniprésent, incarnée par un homme littéralement prisonnier de la communication de masse. Hélas, derrière cette prémisse accrocheuse se cache un film qui peine à choisir son ton, à incarner son propos, et surtout à captiver son spectateur.


Le postulat de départ est fertile : Adan Kundle, publicitaire influent, se réveille amnésique dans un hôpital et ne peut parler qu’en phrases toutes faites issues du marketing. C’est absurde, étrange, presque kafkaïen, et on pourrait s’attendre à une satire corrosive sur l’inhumanité du langage commercial. Mais très vite, le film semble désarmer sa propre audace.


La mise en scène, plate, et l’écriture, trop timide, étouffent toute ambition critique. Les scènes s’enchaînent sans intensité, et le film semble hésiter : veut-il faire rire ? Émouvoir ? Critiquer ? À force de ne pas trancher, il échoue sur tous les plans.


Adan Kundle aurait pu devenir une figure tragique, presque beckettienne : un homme réduit à un langage sans pensée, un automate du consumérisme, reflet d’une société lobotomisée par la pub. Mais cette dimension reste à peine effleurée.


Bruce Greenwood livre une performance sincère, mais limitée par un script qui n’ose jamais aller au fond des choses. On aurait voulu comprendre ce que ce personnage ressent, voir comment il évolue intérieurement malgré ses limitations verbales. Or, rien de tout cela n’émerge. Adan reste une énigme — non pas par complexité, mais par manque de développement.


Là où And Now a Word from Our Sponsor aurait pu dénoncer la déshumanisation par le langage marketing, il finit par ressembler à ces publicités vides qu’il prétend critiquer. Le propos est flou, les métaphores sont appuyées mais jamais creusées. Il ne reste qu’une série de situations anecdotiques où le potentiel satirique est systématiquement désamorcé au profit d’un ton tiède et consensuel.


On perçoit pourtant une volonté de faire réfléchir : sur le langage, sur les relations humaines façonnées par le discours commercial, sur la superficialité des apparences. Mais aucune de ces pistes ne débouche sur une analyse pertinente ou marquante. Le film effleure des sujets complexes, puis les abandonne aussitôt.


Il faut le dire : And Now a Word from Our Sponsor n’est pas un mauvais film au sens technique du terme. Il est simplement inoffensif, fade, dévitalisé. Tout ce qui aurait pu faire sa force — sa radicalité, son étrangeté, sa critique sociale — est systématiquement lissé. Résultat : un film qui s’oublie aussitôt regardé.


Avec une note personnelle de 2/10, je ne sanctionne pas une simple erreur de mise en scène, mais le profond gâchis d’un concept fort qui méritait d’être traité avec plus de courage, de vision et d’acuité.

CriticMaster
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le 2 juin 2025

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