C’est le coup de cœur du petit ciné associatif du coin. Une bonne raison pour aller voir ce qu’il en est. On ne devait pas être les seuls à se dire ça car la petite salle était presque pleine. Une bonne chose pour ce petit thriller franco-espagnol tourné en français, castillan et galicien.
Un couple de français tendance « écolo et projet alternatif » s’installe dans une vallée galicienne miséreuse. Là, ils montent leur ferme maraîchère, retapent des ruines pour redonner vie au village et s’opposent à l’installation d’un parc éolien. La population locale ne semble pas ravie de leur présence, de leurs activités et surtout de leur vote en défaveur d’un projet éolien qu’elle voit comme une source de rémunération salvatrice. L’ambiance va un peu s’en ressentir.
Les deux premières scènes sont probablement les meilleures. Dans la première, on assiste à une lutte silencieuse entre l’homme et le cheval. Dans la deuxième, on fait connaissance avec les hommes du villages au cours d’une partie de domino au bar, pimentée d’une discussion animée. Ce sont eux les véritables stars du film, les frangins autochtones et voisins du couple français. Ils ont la gueule et le bagou. La langue galicienne rajoute à une couleur locale déjà très présente. Ces deux personnages seront une menace permanente, sourde, perverse, irraisonnée. Pathétique aussi. C’est un véritable thriller psychologique que nous tenons là. Il rappellera tous ces films qui présentent une population autochtone qui règle sa lutte des classes inconsciente à coups de fusil à l’endroit de l’urbain (ou pas) propre sur lui et garant de la morale du monde moderne. Ça a le goût des Chiens de Paille de Peckinpah ou du Easy Rider de Hopper. Ça a l’odeur de la poussière qui a trop traîné dans les mêmes rues et du sang séché au fond d’un bois. Cette tension sourde et lourde de réalisme sera ressentie pendant tout le film. Sans pause et sans relâche dans un crescendo maîtrisé. Mais c’est aussi un drame social. Si les méchants sont des salauds, leur raison, celle du plus fort, n’est pas forcément la plus mauvaise. Ils ont l’expression de ceux qui ne peuvent s’exprimer autrement. Ils ont en eux des décennies de complexe face à la ville, à l’argent, à l’instruction. Le couple immigré est dans son bon droit et son projet va dans le bon sens. Mais le bon sens est-il le sens commun ? Et peut-il être imposer à une population réfractaire ? Peut-on débarquer de nulle part et décréter à une population autochtone quelle est la nouvelle vérité ? Quand bien même on le ferait avec bienveillance et douceur ? Et ces éoliennes, arnaques sur pilonnes et garanties d’un avenir moins carboné, on les met où ? Chez le voisin de préférence ? Ici, pour gagner trois francs, six sous ? On le voit, la confrontation est autant physique que psychologique, autant épidermique qu’idéologique. Le film n’apporte pas de réponse est c’est probablement une bonne chose. Reste que tout ici fonctionne bien, de l’ambiance à l’interprétation (magistrale concernant Luis Zahera) en passant par un mise en scène sobre. On regrettera peut-être une seconde partie plus en retrait, avec l’arrivée de la fille du couple. Les questions semblent alors vouloir se multiplier, inutilement car ce n’est plus le même sujet (relation mère/fille et d’autres sujets que je ne peux traiter ici). Pour le reste c’est tout bon.
On ne pourra donc que conseiller ce thriller complet et efficace qui a en plus le mérite de mettre en avant les jeux linguistiques et le réalisme dans l’expression, utilisant la langue comme véritable caractérisation des personnages et des relations entre eux. Le genre de trucs dont les productions parisiennes sont bien incapables … et qu’elles ne comprennent même pas. As Bestas est une belle réussite.