As Tears Go By par Ryo_Saeba
Après avoir débuté sa carrière dans le cinéma en tant que scénariste en écrivant pour des réalisateurs aussi divers et variés que Frankie Chan, Joe Cheung ou encore Jeff Lau, Wong Kar Wai se voit confier la réalisation d'un film de Triades. En effet, Alan Tang, ayant apprécié son travail, notamment sur le film Flaming Brothers de Joe Cheung, prend Wong Kar Wai sous son aile et lui donne sa chance pour sa première réalisation. As Tears Go By est donc un film de commande, difficile en général de réaliser quelque chose de personnel dans ces conditions, mais Wong Kar Wai a la chance d'être également le scénariste et donc de pouvoir faire plus ou moins ce qu'il veut tant qu'il respecte un minimum les règles du genre. Donc, à ceux qui se pose la question, oui le style du réalisateur est déjà perceptible en partie mais il est encore loin d'être affirmé.
Au niveau du scénario tout d'abord, on a un film plutôt structuré et linéaire, contenant pas mal de ficelles relatives au genre contrairement à ses futures réalisations beaucoup plus déstructurées justement, allant jusqu'à narrer souvent plusieurs histoires différentes. Scénario d'ailleurs en grande partie calqué sur le Mean Streets de Martin Scorsese transposé à Hong Kong, en reprenant la relation Keitel / De Niro pour les personnages de Andy Lau et Jacky Cheung. Mais Wong Kar Wai y ajoute également une romance entre Andy Lau et Maggie Cheung, cette dernière pas encore sortie de sa période potiche se voit offrir ici un vrai rôle intéressant. Cette romance va servir à s'échapper, à l'image du personnage de Andy Lau, du milieu des triades pour quelques moments plus doux et tendres ainsi qu'à créer une sorte de relation en triangle avec, d'un côté, l'amour qui le lie au personnage de Maggie Cheung, et de l'autre, les liens " fraternels " qui le lient à celui de Jacky Cheung. Car si Wong Kar Wai livre avec As Tears go by un film de triades en soit assez classique, il n'en oublie pas de développer et faire évoluer ses personnages.
Ainsi, le garçon au tempérament très dur et la gentille cousine timide qui arrivent à peine à communiquer au début, vont peu à peu apprendre à mieux se connaître, Andy Lau croisant son ex (qui avait avorté à cause de lui) à nouveau enceinte : " Je suis marié, j'ai arrêté de fumer, il n'est pas de toi. ", comme s'il prenait vraiment conscience de sa vie gâché dans les triades, chose qu'il avouera plus tard à Jacky Cheung. Le film reste malgré tout un film triade assez classique avec tout ce que ça comporte (code d'honneur, combats à la machette, cabotinage...) notamment le fameux interlude musical sur fond d'horrible canto-pop ("Take My Breath Away" version canto-pop) pour aider à vendre ses émotions.
Au niveau de la réalisation, ça reste assez sobre et carré, même si on trouve de très belles choses comme les plans caméra à l'épaule très fluides ou encore les prémices de son futur style avec les scènes d'action, tout ça magnifié par une photographie absolument sublime bien que différente de celle de Christopher Doyle. Il faut bien reconnaître qu'à défaut d'être un bon réalisateur, Andrew Lau est un des meilleurs chef opérateur de Hong Kong et le travail effectué sur les lumières est très réussi avec des plans où la seule lumière émanant des néons vient éclairer les personnages.
Au final, As Tears go By est un film assez classique mais très sympathique, portant déjà quelques marques du futur travail de son auteur.