Au revoir à jamais devait être un succès. Il fera un petit bide, remboursant avec (seulement) un petit supplément le budget engagé, un joli chèque de 65 millions de dollars, ce qui ne sera pas assez pour les producteurs.


Tout était pourtant bien engagé, l’équipe réunie avait de quoi faire rêver le spectateur des années 1990.
Shane Black est payé à prix d’or pour le scénario, même si ses derniers films, Le Dernier Samaritain et Last Action Hero, sont des succès modestes. Mais avoir le nom du scénariste de L’Arme fatale sur l’affiche reste vendeur.


L’histoire reste sur des bases assez conventionnelles, celles d’une gentille mère de famille, bien comme tout, mais retrouvée amnésique il y a 8 ans. Son passé va refaire surface de même que son identité précédente, et l’adorable Sam Caine (anagramme malin d’amnesiac) est une ancienne agent infiltrée de la CIA, une tueuse redoutable, Charly Baltimore.


Sa quête pour déterminer qui elle est va se doubler avec celle du démantèlement de l’organisation criminelle qui avait décidé de la tuer il y a 8 ans et qui est bien déterminée à terminer cette tâche. Elle est assistée d’un détective un peu minable, un peu filou, Mitch Hennessey, que Claire avait embauché. Il assiste incrédule à la transformation d’une mère de famille en tueuse professionnelle, par petites touches impulsées par le rythme de l’action.


C’est la première et la dernière fois que Shane Black utilise un personnage féminin comme figure centrale, s’amusant de sa dualité entre la mère de famille et la tueuse badass. Le cadre est tout de même très masculin, assez viril, Sam/Charly n’est pas épargnée, elle reçoit d’abord plus de coups qu’elle n'en donne, les armes à feu sont omniprésentes, et ça fume et boit à tout va, Charly n’étant pas la dernière. Les dialogues sont assez typiques de ces années, avec leur dose de punchlines explosives et de provocations dans les bouches de Charly et de Mitch, bien malmenés par les péripéties mais toujours debouts, dans la plus pure des traditions des films d’action.


Le déroulé est rempli de trappes, avec son lot de faux-semblants, dans une histoire où l’espionnage est minime, malgré son titre français très James Bond, mais l’action lourdement dosée. Ce n’est pas forcément des plus subtils et des plus malins, mais cela fonctionne bien. Le dernier rebondissement sur la nature de l’opération criminelle est d’ailleurs assez cynique, le film n’aurait jamais pu sortir avec après le 11 Septembre.


Il faut reconnaître que la réalisation de Renny Harlin est très hollywoodienne, avec ses plans souples, ses personnages au premier plan, et la mise en scène des séquences les plus dynamiques avec une certaine réussite.Avec Guillermo Navarro à la photographie, qui a notamment travaillé avec Quentin Tarantino, Guillermo del Toro ou Robert Rodriguez, c’est un grain très années 1990, évidemment, à la fois urbain et viril. La réalisation est appliquée, elle a du coffre, même si elle opte pour une scène de dédoublement devant un miroir un peu kitsch, la seule grosse faute de goût.


On y retrouve plein de tics très 90’s, comme ces souffles d’explosion qui courent derrière des personnages sans les rattraper, des scènes de fusillades avec leur nombre élevé de victimes collatérales sans conséquences ou des hélicoptères lourdement armés à un moment ou à un autre dans les airs. Mais on s’en amuse, et cela n’enlève rien au punch des scènes. Même si le spectacle est roi, tant qu’il comporte des coups et des explosions et des bâtiments détruits, le film arrive tout de même à ménager un peu ses personnages, donnant une place suffisante aux hésitations de Sam/Charly sur sa nouvelle vie.


“Par le réalisateur de 58 Minutes pour vivre et Cliffhanger”, voilà un bon argument commercial à mettre sur l’affiche pour convaincre les spectateurs. Et tenter de faire oublier la débâcle de son Île aux pirates l’année précédente, impressionnant échec commercial.


Dans ce film, on retrouvait aussi Geena Davis dans le rôle titre, qui se trouvait être Madame Renny Harlin à l’époque. L’actrice, une des dernières révélations féminines de ces dernières années, Oscar de la meilleure actrice de second rôle en 1989 pour Voyageur malgré lui et nominée à l'Oscar de la meilleure actrice en 1992 pour Thelma et Louise, interprète donc notre amnésique tueuse à gages.
Un rôle qui n’est guère évident à porter, et qu’elle arrive pourtant à endosser. Geena Davis est charmante dans le rôle de Sam, ingénue, douce et aimante. Mais elle est déterminée et vindicative quand Charly reprend le dessus. De l’une à l’autre la transformation physique est évidente, mais c’est aussi le jeu et le regard qui changent. Avec ce rôle une nouvelle héroïne de film d’action était née, une nouvelle badass girl, mais dommage, quasiment personne ne l’a su.


Samuel Jackson interprète Mitch, qui assiste Sam/Charly dans ses aventures. Bien connu depuis Pulp Fiction en 1994, l’acteur n’a aucun de mal à se glisser dans la peau de ce détective un peu filou, un peu minable. Lui qui est alors comme le contrepoint un peu macho et viril de Sam, un peu gênée, va se retrouver être l’allié mais aussi la nouvelle conscience de Charly, une évolution assez amusante du film.


Tout comme Alan Silvestri à la bande-son, très hollywoodienne, très classique, la carrière de Samuel Jackson ne sera guère bouleversée par l’échec du film, ce qui ne sera pas le cas d’autres personnalités citées dans cette critique. Il faudra attendre 2005 pour que Shane Black revienne aux affaires avec l’excellent Kiss Kiss Bang Bang. L’un des plus beaux représentants du cinéma d’action des années 1990, Renny Harlin ne se remettra que partiellement de ce doublé d’échecs au box-office, entraînant Geena Davies dans sa chute.


Est-ce que cette double tête d’affiche, une femme et un noir, ne pouvaiy pas rivaliser avec le charisme de Bruce Willis ou de Keanu Reeves, nouvelles stars du genre ? L’infortune de L’ïle aux pirates a-t’elle joué dans le médiocre succès de celui-ci ? Est-ce que le film était trop calibré pour correspondre aux attentes du genre dans ces années et donc trop prévisible ? Difficile de répondre, mais pour autant le film est un évident et plaisant divertissement, avec assez peu de surprises mais suffisamment de mordant pour lui offrir une nouvelle chance.

SimplySmackkk
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le 9 juil. 2021

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SimplySmackkk

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