avr 2011:

Mitigé. Alors que ma compagne, Jack Sullivan, est sortie conquise, enthousiasmée par l'histoire et les personnages, je suis beaucoup plus partagé.

D'abord je ne crois pas trop à cette histoire. Je ne la comprends pas. Je ne pige pas la réaction des personnages joués par Jean-Pierre Bacri et Xavier Robic, le père et le fils dissimulant, va savoir pourquoi, la mort accidentelle d'un quidam. Quel intérêt? Vraiment très con, dès le départ.
A la fin, c'est pareil : je ne comprends pas la réaction violente de Frédéric (Vincent Rottiers) à l'égard d'un collègue. J'entends bien que le sentiment de s'être fait enfler dans les grandes largeurs est d'une violence rare mais de là à se condamner, alors qu'il est totalement innocent... Il y a donc par moments des excès d'écriture dramatique qui me gênent.

Entre les deux extrémités du film, l'histoire suit son cours, tranquille, un poil trop à mon goût sur la première partie d'ailleurs où j'ai eu peur de m'ennuyer.

J'ai beaucoup aimé la seconde partie et surtout comment Raphaël Jacoulot décrit en une scène, courte et forte, le mur qui se dresse de manière inexorable entre Vincent Rottiers et la famille de Bacri. Il est sur la terrasse de ce grand hôtel pyrénéen, dehors, il l'arpente comme un animal sauvage en cage, le regard noir, il saisit que le monde qu'il voit de l'extérieur ne sera jamais le sien, il voit la famille à travers la grande baie vitrée, elle est attablée, sereine, joyeuse, souriante, bien au chaud. En mal d'affection, en mal de famille, Frédéric a cru pouvoir accéder à ce luxe matériel et affectif que Bacri avait feint de lui offrir.

Jean-Pierre Bacri dans un rôle très ambigu est épatant parce que son personnage n'est pas d'un seul bloc, simple manipulateur mais parait par moment très sincère, surtout quand il prend de plein fouet l'ingratitude de son propre fils. L'abnégation ou du moins la sollicitude du jeune Frédéric parait bien apaisante. En effet, il lui tend la main dans un premier temps de manière factice, mais très vite une réelle relation d'amitié profonde et sincère prend le dessus. Malheureusement pour Frédéric, pas suffisamment pour que le père abandonne son fils. Forcément. Jean-Pierre Bacri hérite donc là d'un rôle très difficile à tenir et il s'en tire haut la main. J'ai été très impressionné par cet acteur que je trouvais déjà auparavant très bon. Là, il m'a ébahi : superbe performance de comédien, un très grand plaisir de cinéphile. D'autant plus fortiche qu'il nous ressert toujours la même sauce en apparence, un mec bourru, chouineur professionnel, mais il arrive pourtant à lui donner un naturel incroyable à force de nuances très marquées et très subtiles à la fois. Ahurissant.

Le jeune Vincent Rottiers est assez remarquable aussi, plus à l'économie, avec un jeu en dedans, avare en palabres, tout dans la posture et le regard.

J'ai bien aimé celle qui joue sa petite amie, India Hair, très douée dans des tonalités variées, compliquées mais toujours réalistes.

On ne peut échapper à la petite pépite rigolote que constitue la présence inopportune de Sylvie Testud, une des plus grandes actrices françaises du moment. Je l'adore. Ici, elle joue la Columbette, maladroite, fouteuse de merde, sur la lune, mais bien entendu pas autant qu'elle le laisse paraitre.

C'est ce qui m'a le plus plu dans ce film : la direction d'acteurs tournée vers une touchante authenticité. L'émotion produite par ce rejet, cette cruelle exclusion est d'autant plus forte que les intentions de Bacri sont peu évidentes, toujours sur le fil du rasoir.
Une autre très belle scène m'a subjugué par sa puissance mariée à sa simplicité de jeu, c'est la confrontation entre le père (Bacri), désespéré d'avoir à sauver un fils aussi con et donc un fils (Robic) aussi éloigné de ce père qui l'a toujours rabaissé et humilié. Ces deux-là ont créé une scène qui dessine magnifiquement un fossé qui semble définitif.

Voilà, de grosses réserves générales mais des scènes et des acteurs bluffants : un sentiment mi-figue mi raisin.
Alligator
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le 18 avr. 2013

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Alligator

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