Avatar, il faut le dire, est très intéressant à regarder à plus d'un titre. En effet, James Cameron a ici trouvé sans doute une façon tout à fait intéressante de représenter les images de synthèse. L'imaginaire ne doit pas singer une réalité qu'elle ne peut pour l'heure atteindre, mais plutôt créer sa propre réalité. C'est la boîte de Pandore de Cameron : pas de mauvaise insertion du virtuel dans le réel. Ici, les si crédibles Navi sont en parfaite image de synthèse dans des décors de synthèse. Et plus encore, Cameron s'amuse à créer un effet inversé : les êtres humains semblent ne pas avoir leur place visuellement parlant dans cet univers, ce qui renforce leur nature étrangère.
C'est peut-être au niveau du discours que le film est plus critiquable. Sans aller jusqu'à dire que c'est un film de propagande écologiste, Avatar est également à travers sa fable très convenue et classique, un autre type de réceptacle, celui du discours dominant.
Alors évidemment, c'est avec un scénario aussi chétif que l'on se rend encore mieux compte que l'intérêt est ailleurs, son excellence aussi (comme un maître en arts martiaux qui vous montre les gestes les plus simples pour justement vous faire réaliser sa maîtrise).
Mais en parallèle, si le film regorge de signes, on commence à être surpris en les décodant...
Comme le soldat en fauteuil roulant incarnant l'idée d'un homme castré qui va retrouver son leadership naturel (ses pleins moyens, faut-il comprendre) au sein des Navi ("je suis fait pour ça" dit-il, comme prédestiné à être un chef, mieux, un éclaireur ou un messie). Pas spécialement réjouissant pour la planète-paradis Pandora.
Ou encore, un rapport à la nature assez... web 2.0 : on se branche aux créatures pour pouvoir les contrôler. Si l'idée d'un lien universel avec toutes les créatures est très intéressante, son application laisse songeur : on se connecte à la nature comme on se connecte au web et on a le droit à une scène de méditation avec tous les Navi risibles tant le mysticisme ou l'ésotérisme et la transe y sont absents. A la place, une danse sans enchantement avec des loupiotes qui s'allument.
Enfin, le film aurait sans doute eu un point supplémentaire s'il aurait parvenu à s'achever dans la scène d'amour. En effet, quelle plus belle preuve de la réussite du film que de voir deux créatures irréelles faire l'amour avec cette sensation de réalité si présente? Le film décide de couper cette scène pour rester prude, sans doute.
Les deux scènes clés (méditation plus scène d'amour) donnent l'impression que le film s'arrête un peu bêtement devant ses ambitions sans les accomplir. L'Eden n'était pas loin.