L'"Avatar" que je connaissais était en 3D. Je l'ai revu ce soir en 2D, pour me rafraîchir la mémoire, tout en sachant que je rognais ce faisant la partie de mon souvenir qui m'était la plus chère : celle de la 3D.

Pourtant, en n'utilisant que mon intellect (contrairement à ce que j'avais fait au cinéma avec les lunettes 3D, résolument incapable de dominer le film et son scénario), je vais tenter de comprendre, à partir de cette nouvelle vision 2D "froide" ce qui avait provoqué mon émoi primitif.

Primitif (ou "premier" au sens des arts premiers du Quai Branly) car Avatar était une expérience nouvelle destinée à être vécue comme telle : la découverte d'une planète aux faune/flore inédites ou néanmoins régulièrement originales (Pandora, ses plantes roses volantes, ses bêtes puissantes, ses Nav'i - humanoïdes reliés avec la nature) devait se faire de façon inédite ou néanmoins régulièrement originale (le relief utilisé pour insister sur la dimension spirituelle ou pour souligner certaines actions/mouvements). C'était "Comme pour la première fois" et je ne voulais pas que ça s'arrête, ayant peur de ne plus jamais pouvoir y accéder, que ce soit à la 3D utilisée avec intelligence, ou à cette humanité "rebootée" dans son rapport à la nature (dont elle prendrait la juste mesure). Tout d'un coup, tout m'apparaissait moins plat, comme si je découvrais soudain une perspective aux choses, c'est à dire quelque chose dans quoi me projeter, une profondeur (au sens propre et figuré).

C'est aussi la première fois que le marine handicapé Jake Sully re-marche (cela faisait bien longtemps, originellement il possédait tous ses moyens, comme nous avant d'être des légumes lyophilisés - comme moi en tous cas). Et que cela se passe par l'intermédiaire d'un Avatar, c'est à dire par procuration/dans le virtuel, cela émeut le spectateur (à plus forte raison s'il est aussi joueur de jeux vidéo) : Jake Sully ne vaut guère mieux que le spectateur (via son Avatar, il vit une autre vie, dangereuse, et il ne risque rien lui-même). Du moins au départ.

Car enfin, avec la concomitance des humains et des Nav'i (en particulier à la fin où le corps original de Sully est présent près de l'arbre, entouré de tout le peuple Nav'i), on sent qu'on est arrivé au terme d'un véritable cheminement initiatique. Finalement en présence intime des Nav'i par procuration (on est Jake Sully porté par Neyfti, dans ses bras bienveillants, nous les handicapés cosmiques, coupés de la nature par notre civilisation), on nous laisse entrevoir comment on peut changer (en abandonnant notre réalité - celle qui a été abandonnée par Sully progressivement, délaissant son passé et son corps humains tels de vieilles chaussettes).

Alors, forcément, le Jake Sully rendu Nav'i de manière permanente ne nous concerne/intéresse plus. C'est comme le joueur rompu à World of Warcraft : dès qu'il a totalement intégré le monde virtuel et délaissé le notre, on ne peut plus être fasciné par sa passion et l'on lui reprocherait presque de nous laisser seuls avec notre réalité moribonde...

Dans MES yeux aux perspectives aplaties, Jake Sully, Nicolas Hulot, ou le héros d'Into The Wild... sont des héros des temps modernes, bravant les dangers que représentent la perte de MES repères.
Jonathan_Suissa
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le 21 nov. 2010

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Jonathan_Suissa

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