Le film est beau, drôle, enlevé. Casting de luxe et grands moyens, c'est un cinéma qui montre ce qu'il sait faire. Et c'est tout le point...
Le principe est simple, et fait irrésistiblement penser à un auteur (quasi) homonyme, Albert Cohen. Il s'agit de faire voir le mythe à l'oeuvre. Le déconstruire c'est trop court, il faut d'abord le faire marcher. D'où ce chapelet de morceaux de bravoure, et à chaque fois on se laisse prendre, même si on sait à chaque fois qu'en un clap le sublime tourne à la farce. Un procédé auquel on doit les passages les plus drôles de Belle du Seigneur, de Solal ou de Mangeclous par exemple.
Ce qui est habile dans cette succession de tableaux sans guère d'effort de justification ou même d'enchaînement, c'est qu'elle vaut pour démonstration. On se laisse prendre à bien peu de chose : il suffit d'un exploit. Une lumière, un chant, un texte, un jeu d'acteur, le geste dansé ou le discours articulé... Sous chacun de ces modes le mythe oeuvre et nous renvoie à notre disposition à croire, qui n'est jamais bien loin de la "suspension volontaire d'incrédulité" qui fonde notre rapport à la fiction (Coleridge).
Comme souvent chez Coen Bros. on ne sait guère s'il faut tirer une morale d'une histoire où la morale est pourtant un des thèmes principaux. On songe un peu à La Bruyère : la cruauté n'exclut pas la tendresse, et les deux sont au fond des conditions pour comprendre.