La saga Baby Cart fut une de mes premières découvertes du genre ken geki, les films de sabre. Un revisionnage s'imposait pour moi considérant les nombreux films de samurai que j'ai pu voir jusqu'à présent. Légèrement en-deçà des impressions qui furent les miennes il y a quelques années, ce Sabre de la Vengeance n'en reste pas moins jouissif. Une réalisation honorable toutefois entachée de sonorités western-like pour ce chanbara du début des années 70, qui se situe il est vrai dans la plus mauvaise période des films de sabre, lesquels ont progressivement dévié vers l'influence occidentale -du western et western spaghetti notamment-, perdant par cela ce qui faisait leur spécificité si délectable.

Mais le chanbara n'est pas mort, et Kenji Misumi le prouve, lui qui est un des plus grands metteurs en scène du kendo/kenjustsu -l'art du sabre japonais. Si l'on excepte certaines ambiances musicales et visuelles aux teintes lourdaudes, l'histoire n'en demeure pas moins délectable dans l'aspect sombre et impitoyable du rônin qu'incarne Tomisaburo Wakayama. Ce dernier, frère de Shintaro Katsu (saga Zatoichi) -qui a produit Baby Cart-, est la force de ce film. Il campe un samurai au physique atypique qui dénote sans concessions de l’aspect héroïque ressortant généralement de l’apparence de ses contemporains d’acteurs qui incarnent des personnages similaires. Enrobé, légèrement bouffi, beauté imperceptible, on est loin des physiques avenants des Mifune, Nakadai, Ichikawa ou consorts. Pourtant, c’est lui qui tient cette saga de bout en bout, par sa présence, son regard, sa démarche nonchalante et son aura solennelle qui semble le poursuivre telle une ombre.

Il est Ogami Itto, le bourreau du Shogun, dernier sabre de la maison Tokugawa. Mais il va souffrir de l’élaboration d’un complot visant à le déchoir de son redoutable statut, celui-ci ayant aiguisé l’avidité de la maison Yagyu. Devant la déchéance de son nom et l’assassinat de sa femme, ne lui restent plus que son sabre, sa soif de vengeance, son fils et son landau pour le transporter là où le mène son destin. Il acceptera des contrats de tueur à gage sans la moindre émotion. Ses émotions, ils les garde pour ceux qui l’ont trahi.

Baby Cart, c’est des combats sans doute trop sanglants, mais aussi des passes d’arme fluides et agréables à l’œil. Wakayama maitrise son sabre, et si son aspect ne plait pas à certains, j’ai envie de rétorquer ceci : Qui a dit qu’un samurai devait forcément être un Nakadai ? Faut-il représenter toute cette caste comme des beaux gosses ? Et bien non, et je me félicite de l’apparence particulière de ce Ogami Itto, qui fait par ailleurs montre d’un talent d’acteur aiguisé et charismatique en plus d’être très convaincant sabre à la main. C’est une des forces du film, et la mesure sombre et solennelle donnée par Misumi y est également pour beaucoup.

Evidemment, on a connu Kenji Misumi plus agile avec sa caméra, plus sobre dans ses combats au sabre et plus… mystificateur dans son univers. Mais il n’en demeure pas moins que cette saga Baby Cart émet un souffle attractif sur ma personne, une touche de beauté par-delà les défauts affichés et incarnés par son personnage principal ou sa réalisation poussive. Une beauté aussi sombre que délectable si l’on parvient à repousser hors de son esprit les défauts évoqués. Oui, Tomisaburo Wakayama est un vrai acteur de chanbara, et son physique inhabituel pour un samurai colle parfaitement à son personnage voguant sur le douloureux chemin de la vengeance.

Ce qui est une faiblesse pour certains est une force délectable pour d’autres.
Taurusel

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