Je regarde Ballad of a Small Player et me dis qu’Edward Berger, bien que ne se définissant pas comme catholique pratiquant en interview*, croit en l’épiphanie. Il y avait en tout cas quelque chose de cet ordre-là dans Conclave, comme dans ce dernier film (je précise ne pas avoir encore vu A l’Ouest, rien de nouveau). Une sensibilité qui sied bien au parcours du personnage principal : un escroc ruiné, s’égarant dans le dédale des ruelles de Macao et les couloirs de service de l’hôtel.
L’exubérance de la capitale asiatique du jeu inspire d’ailleurs autant Berger que le compositeur Volker Bertelmann, qui apporte à son style des couleurs nouvelles. Cet environnement permet au réalisateur de jouer sur les surfaces – l’eau, le verre – et les reflets. Le design sonore – le grincement du bois, expression des remous intérieurs du héros – bénéficie également d’une belle attention. La mise en scène, sensitive, donne ainsi à cette Ballad of a Small Player les airs d’un grand spectacle sur les turpitudes de l’âme humaine.
Malheureusement, ce qui tient lieu d’intrigue se dilue avec le temps. Certes, les multiples allers-retours entre les suites royales et les bas-fonds de la mégalopole chinoise dessinent remarquablement la psychologie d’un personnage en perdition, prisonnier de ses addictions. Cependant, son évolution dans les quinze dernières minutes du film apparaît bâclée. Peut-être est-ce à cause de la performance de Colin Farrell qui, après avoir trop bien jouer l’imposteur dans la première heure, échoue à me convaincre du contraire. Ou à l’écriture du personnage, taillé à la serpe. Quoi qu’il en soit, quelque chose ne fonctionne pas dans cet épilogue - ni dans l’interprétation de Tilda Swinton, dont j’ai rarement vu le talent aussi mal employé. Il y avait pourtant là matière à un grand film.
* https://deadline.com/2024/09/conclave-director-edward-berger-interview-the-power-of-self-doubt-long-road-to-the-a-list-those-pesky-rumors-he-will-revive-007-1236081714/?utm_source=chatgpt.com