Premier constat au visionnage : Beau is afraid est un film impossible à résumer. Et donc impossible à vendre. Une « anomalie » hollywoodienne qui n’en est plus tellement une, tant le studio A24, à la production, en est devenu le spécialiste.

Alors que dire ? On y suit Joaquin Phoenix, alias Beau, un homme-enfant dépressif vivant seul dans un appartement miteux. Sa mère l’appelle : il doit la retrouver à l’autre bout du pays. Et pour cela, se coltiner le monde extérieur. Le début du cauchemar pour Beau, pour qui les catastrophes s’enchaînent. « Si vous envoyez un gosse de 10 ans bourré d’antidépresseurs faire des courses, voilà, c’est le film », aime à dire le réalisateur, Ari Aster, dans sa tournée promotionnelle. Le cinéaste, juif new-yorkais, est la nouvelle coqueluche de l’horreur intello - ou elevated horror - cette conception de l’épouvante « fréquentable », auteuriste, qu’on oppose à l’horreur pop-corn, façon grand guignol et train fantôme.

Chez Aster, il n’est pas question de faire sursauter le spectateur en lui balançant un gros monstre au visage, mais d’instaurer un long malaise, de faire dérailler le réel. L’angoisse monte comme l’eau frémit sur le feu, avant que la terreur entre en ébullition. Et, de ce point de vue là, la première heure de Beau is afraid constitue un modèle du genre. Dans l’espèce de prison-cocon où il vit, le héros devient fou, alors que des lettres étranges s’amoncellent sur son parquet, ou qu’un robinet fait des siennes. Son quotidien vacille, la trouille s’installe. Joaquin Phoenix, oscarisé pour Joker en 2020, est cet enfant mutique qui ne comprend rien à ce qui lui arrive.

Malheureusement, il reste à ce stade deux heures de film à dérouler et un gros ventre mou à se farcir. C’est l’épopée œdipienne de Beau, qui, au gré de ses pérégrinations, expérimentera différents types de foyers, symbolisés par des accouchements métaphoriques. Des rencontres pour autant d’échecs, comme si Ari Aster, qui a visiblement un problème avec sa mère (et, sans trop en dévoiler, son pénis) nous disait que naître, c’est se condamner à l’enfer. Sa filmographie tend vers cela, un grand bain de névroses qui finit par engloutir ses personnages (il faut revoir en la matière Midsommar, son chef-d’œuvre). Alternant les tons et les régimes narratifs (jusqu’à un aparté en animation) pour épouser la confusion de Beau, Aster finit ici par être indigeste, compréhensible de lui seul (et son psy, peut-être, personnage périphérique et inquiétant du film). D’autant que, plus le long-métrage s’emballe, plus Joaquin Phoenix cabotine, à la manière de Joker. Hollywood l’adore dans ce style-là, c’est pourtant là qu’il est, de loin, le moins intéressant.

Cyprien_Caddeo
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le 7 mai 2023

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