Prélèvement à la Sorcière

The Blair Witch Project a traumatisé le box office et engendré toute une catégorie de films fauchés reprenant le concept du found-footage vaille que vaille. Aussi, la boite de production indépendante à l'origine du film va évidemment tenter de capitaliser. Engloutissant 15M$ dans une séquelle à sortir le plus tôt possible, Artisan Entertainment va se tourner vers le documentariste Joe Berlinger pour pondre un concept fissa.

Mais Joe n'a pas aimé Blair Witch 1. Il a raison, parce que c'est quand même un gros tas de merde, mais lui sa méfiance va au delà : en bon documentariste, il ne supporte pas que des fictions peu scrupuleuses se fassent passer pour des documentaires. Son idée étant donc de faire un film 100% fiction qui explore ce phénomène.

Les dix premières minutes du film sont du pur génie.

Pour commencer, dans un film où il n'est que très peu question d'un livre, et encore moins d'ombres, le titre officiel apparaît : "Book of Shadows : Blair Witch 2" ! Un bon gros troll, pour entamer les hostilités, mais il ne s'arrête pas là... On assiste à une parodie de documentaire, qui expose que Blair Witch 1 ÉTAIT une œuvre de fiction et que les habitants de Burkittsville en ont marre de voir des illuminés venir visiter les lieux du drame... Il y en a même qui sont prêts à acheter des galets !

Un humour caustique assez carabiné, qui fait plaisir.

Ensuite, on suit un groupe bizarrement hétéroclite ( Une Wiccan, une Goth, deux documentaristes et un mec chelou ) qui ont tous "souffert" de la piètre représentation de leurs communautés respectives, et veulent aller sur les lieux du tournage pour déboulonner les diverses fausses croyances engendrées par The Blair Witch Project.

Mais hélas, trois fois hélas, les choses se gâtent assez vite. Les pontes d'Artisan ne veulent pas entendre parler d'un film à thèse, explorant les ramifications sociologiques de leur plus gros succès au box-office. Ils vont donc pondre des scènes gores et/ou "effrayantes" dans le sens le plus classique du terme, qui n'ont rien à voir avec la choucroute.

On peut citer par exemple ce plan séquence drolatique dans un asile psychiatrique qui montre le mec chelou crier "Assez !" en tapant du poing sur la table sans aucune autre raison que la caméra est braquée sur lui...
Ou encore cette idée saugrenue de parsemer le film d'éléments qui interviennent à la toute fin de l'intrigue, ruinant tous les efforts pour laisser le spectateur dans l'expectative, et exposant par le menu la vacuité de l'intrigue.

Après une nuit à camper sur les lieux du tournage de Blair Witch 1, les héros de Blair Witch 2 font un black-out, se réveillent la tête dans le cul, découvrant leurs caméras détruites et les cassettes cachées dans le même endroit où on aurait retrouvé les bandes du premier volet...
Alors ils décident de s'enfermer dans un hangar pour regarder les cassettes en question et percer le mystère de la nuit. Ils décident de regarder un particulier une cassette qui montre un arbre, et c'est tout. Genre un arbre vide, avec rien de rien autour...

N'importe qui aurait fouillé toutes les cassettes en avance rapide pour isoler des éléments de réponse, mais non. Pas eux. Eux ils regardent fixement un arbre en temps réel ! Et à côté de ça ils se mettent à être victimes d'hallucinations. Des hallucinations jamais effrayantes évidemment, juste WTF.

C'est très dommage, car le film expose de bonnes idées qui sont en total conflit avec une immense majorité des éléments de mise-en-image. Un peu comme le rejeton d'un couple divorcé, d'accord avec rien.

Et la fin approche alors survient le gag le plus drôle de l'histoire du cinéma-d'épouvante-à-thèse.

J'en ai chialé de rire, pendant de nombreuses minutes. A vrai dire... Je n'avais pas autant ri depuis Shining !