Les toutes premières images du film nous font entrer dans le quotidien d*'Easter Cove*, un petit port de pêche dans l'État du Maine. C'est retour de pêche et, tout en déchargeant les prises du jour, les hommes entonnent une chanson traditionnelle de marins pêcheurs : Blow the man down, précisément.


En faisant quelques recherches, j'ai appris que Blow the man down se rapporte à la disparition d'un homme en mer lorsqu'un gros coup de vent l'emporte. La chanson et les voix profondes des chanteurs sont belles, envoûtantes. J'ai déniché une vidéo du chanteur principal, David Coffin, tournée lors du Portsmouth Maritime Folk Festival. Quel coffre !
L'entrée en matière, musicale, affûte la curiosité. Attire. Que va-t-il donc bien pouvoir se passer ici, dans cet endroit éloigné de tout et qui paraît bien tranquille ? La lumière bleutée, le générique en lettres gothiques et la bande-son sont une première réponse : l'on va nous offrir du mystère assorti d'une touche de fantastique... qui ne se devine pas tout de suite. Je dirais même, qui ne se dévoile qu'à la toute fin, révélant ce que sont possiblement les femmes d'Easter Cove.


Blow the man down est difficile à catégoriser. Il y a bien une enquête, mais elle n'est là qu'incidemment, si je puis dire. Une étude de mœurs ? Non plus, pas vraiment. Peut-être est-ce une comédie noire ? C'est probablement ce qui s'en approche le mieux. Pour ma part, après coup, j'y ai vu comme une sorte de conte moderne. Une histoire de sororité, de femmes, d'amies, de complices, de solidarité de genre. Une histoire où l'on ne considère pas les hommes comme des princes charmants. Au reste, pour l'un d'entre eux, c'est carrément l'inverse : il est le prototype du parfait du salopard. Et c'est autour de lui que tourne l'enquête. Quand on pense au titre du film : Blow the man down (faites tomber l'homme), on devine que c'est de lui qu'il s'agit. Toutefois, si d'aventure un prince charmant se présente, celui-ci, alerté par son sixième sens, va se soustraire à l'attraction de l'une d'entre elles, belle comme une sirène, dont le comportement ambigu va lui faire faire une rapide marche arrière.


Comme vous l'aurez compris, Blow the man down est un film de femmes, tourné et joué par des femmes. Sur le plan sociologique, il donne à penser qu'à force d'avoir poussé trop loin et sans discernement la philosophie du féminisme, celle-ci, au lieu d'avoir fait évoluer positivement les rapports hommes-femmes, les a au contraire dégradés. Aujourd'hui, dressés les uns contre les autres, ils en arrivent à ne plus se comprendre du tout. Le film de ces deux jeunes cinéastes reflète très bien cela, il me semble.


La prestation des deux jeunes actrices : Sophie Lowe (Priscilla) et Morgane Saylor (Mary-Beth) est parfaite. Chacune, à sa manière, malgré des comportements disproportionnés, arrive à provoquer de l'empathie chez le spectateur. Enid, la femme de mauvaise vie, l'âme noire du groupe, et qui est interprétée par Margo Martindale (The Americans) est parfaite. Un bon choix du casting, selon moi. Mais en vérité, tous les acteurs et toutes les actrices sont bons dans le rôle qui leur a été assigné.


La réalisation est classique, soignée, la photo est belle, les couleurs saillantes et vives sont positives. Le suspens bien entretenu, la bande-son originale, quant à la fin elle, elle sollicite joliment l’imaginaire... Que dire de plus ? Que c'est un film qui, lorsque le générique de fin est lancé, on se surprend à songer : « Bien, bien, bien... En voilà un, bon petit film ! »


©Marguerite Rothe

Chikitaeyes
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le 25 avr. 2020

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