Bonjour semble être l'aboutissement d'une lignée de films où les caprices d'enfants attirés par la technique américaine défont l'autorité patriarcale japonaise. Ozu allie dans Bonjour la douce ironie de gosses de Tokyo et la gravité légère d'été précoce, pour faire franchement rire sans arrière-goût manifeste.


Trois intrigues:


-un concours de pet mené par trois chenapans qui portent une casquette de baseball, et qui s'efforcent malgré eux d'accéder à leur culture par la porte de l'occident, à savoir la télévision.


-une histoire de commérages entre leur mère et ses voisines, où une question d''argent et de vol de lave-vaisselle met en doute l'intégrité intellectuelle de cette mère.


-une histoire d'amour naissante, entre le prof d'anglais des petits garçons et celle chez qui ils vont regarder la télévision.


Ce film nuance avec humour le péril occidental, qui modifie cette famille nucléaire typiquement Japonaise qui n'existe aujourd'hui au japon que dans le cinéma d'Ozu. On y retrouve un problème d'autorité et un discours sur l'individualisme, qui vient séparer les membres d'une famille détournée de son conservatisme patriarcal par l'aura matérialiste occidentale, ce que traduit le détachement désinvolte d'une nouvelle génération qui ne cherche finalement qu'à s'amuser.


C'est un film tragique sur le langage, qui devient la seule barrière entre ces personnages. Chacun parle son argot selon ses propres intérêts, chacun se joue de la confiance de l'autre: c'est de la taquinerie, et c'est ça qui est drôle dans ce film, qui est une vraie comédie, et la plus belle du réalisateur.


On aime voir Chishu Ryu en père conciliant, on aime les commérages et les caprices de ces garçons qui sont loin d'être les derniers: derrière la défaite de l'autorité se trouve le coup d'Etat libéraliste.


Satire sociale? Non, mais bonne comédie à regarder avec légèreté, comme un fil tendu entre la joie de vivre et la nostalgie d'après-guerre au-dessus du vide de l'existence, sur lequel on fait sécher deux ou trois caleçons, étendards de la témérité pré-mondialisation et de tout le soin qu'une mère porte à ses enfants.

Camille_H
7
Écrit par

Créée

le 28 mars 2015

Critique lue 431 fois

9 j'aime

7 commentaires

Camille_H

Écrit par

Critique lue 431 fois

9
7

D'autres avis sur Bonjour

Bonjour
Docteur_Jivago
8

Main Basse sur la Télévision

Dans son postulat de base, Bonjour évoque forcément Gosses de Tokyo, où dans les deux cas on retrouve des gamins qui vont affronter leurs parents, allant jusqu'à la grève de la faim, sauf qu'ici...

le 9 sept. 2017

33 j'aime

8

Bonjour
Moizi
8

Hula Hoop de bonheur

Il me semble que j'ai vu mon dernier Ozu il y a plus de six ans suite à un film de lui que j'avais moyennement apprécié alors que j'avais adoré tous les autres et ça m'avait stoppé net dans mon élan...

le 7 nov. 2017

27 j'aime

Bonjour
Alexis_Bourdesien
7

Allez ! Tous Ozu de Beauval !

Malgré mon amour naissant pour le cinéma japonais, à part Kurosawa, je ne connais que peu la filmographie des plus grands réalisateurs nippons. Et Ozu en fait partie. Certes j’ai vu Voyage à Tokyo,...

le 3 mai 2014

27 j'aime

4

Du même critique

Dead Man
Camille_H
8

«-William Blake killed the white. - We need a canoe.»

Dead man, c'est un voyage avec un homme mort. Dead man est simple mais déjanté. L'acte est prévisible, et donc plein de rebondissements. Des péripéties retardent le dénouement. Dead man, ce n’est pas...

le 28 sept. 2014

24 j'aime

Le Roi et l'Oiseau
Camille_H
9

De la peinture qui parle.

A cette époque régnait encore le roi Charles V + III = VIII + VIII = XVI du royaume de Takicardie. Ce n'était pas un bon roi. Tout le monde le détestait, ses amis aussi. Nous n'étions pas amis, dit...

le 2 mai 2015

22 j'aime

2

The Lobster
Camille_H
7

Pourquoi tu te méprises.

Véhémence Les solitaires ne peuvent pas vivre en ville. Leur place est avec leurs semblables, les animaux dans la forêt. Ils sont imprévisibles, libres, nuisibles. Il ne s'agit pas de fonder une...

le 22 oct. 2015

20 j'aime

4