Metoo's Angels (Spoiler, billet d'humeur et corde d'airain)

Il eût fallu s'y attendre, la corruption du juste féminisme par l'immonde metooïsme n'allait pas tarder de s'en prendre aux plus grands mythes ciné-télévisuels. Sous prétexte d'"air du temps", combien on en fait perdre, du temps, en fictions politisées à l'extrême ! Certes, l'étiquette Metoo ne sert pas ici que de cache-misère, et pourtant, à visionner ce film: quelle misère !



Lady's first !



Commençons par ces dames.
On critique énormément Naomi Scott, son rôle étant celui de la civile qui découvre le monde de l'espionnage. Ce qui est vraiment condamnable, c'est son rôle de cliente propulsée dans l'agence à en devenir un nouvel agent, sans autres formes d'explication que le joker sur-utilisé du film "tout était prévu ... mais pas en fait ... mais prévu". Moins bécasse que ses deux consoeurs, pour cette seule raison qu'elle est l'intello de la bande, elle sera aussi la moins agaçante. C'est extra-diégétiquement que la belle nous agace, s'était constituée cette année agent de Metoo International, entre Jasmine-qui-veut-devenir-sultane-et-qui-soumet-Aladdin et la *Drôle-de-Dame-que-les-méchants-misogynes-lie-par-un-collier-au-cou-mais-qui-les-en**** (bah quoi, Angèle le fait bien !)-par-derrière*.
D'aucuns admirent le personnage de Kristen Stewart qui ouvre le bal avec un propos metooesque hors-sujet dans une syntaxe qu'elle sera incapable de reproduire par la suite, se changeant en icône "street", devenant la Drôle de Dame "Cité représente". Un personnage agaçant tant par son langage, par ses bêtises que par ses sorties auto-dégradantes: qu'est-ce qu'elle aurait pu devenir si elle avait pu aller à l'école !
Seul Ange mémorable, Ella Balinska, qui, si elle pourra apparaître à certains comme un choix de quota SJW, est avant tout la seule Drôle de Dame crédible de ce métrage, rappelant, a contrario de ses deux partenaires, qu'on peut être une femme voire un être de quelque sexe que ce soit et être à la fois intelligent et fort: Mens sana in corpore sano (je sais, c'est du latin, les fans de cette nouvelle version des Charlie's Angels me donneront pour rétrograde).


Rappelons ce que sont les Drôles de Dames ou Charlie's Angels.
"Il était une fois, trois filles superbes qui avaient décidé de s'engager dans la police. Mais on les avait cantonné dans des travaux bien peu passionnants. Alors, moi, Charlie, je les ai sorties de ce cauchemar pour les engager. Et je ne le regrette pas, car ce sont vraiment de drôles de Dames".
Alors, alors ... par où commencer ?
Il a déjà été dit combien ces Anges ne sont de Drôles de Dames que malgré elles et combien on peut regretter qu'elles aient été engagées.
Sont-ce d'anciennes policières ? Non. La première est la cliente du film qui devient un Ange tacitement et sans bien le comprendre. Elle n'était pas cantonnée à un métier bien peu passionnant puisqu'elle a créé l'artefact du jour que tout le monde s'arrache. La seconde n'était pas non plus policière ... elle aurait même plutôt été de celles que poursuivent les policières pour les mettre hors d'état de nuire. Elle n'était pas cantonnée à un travail bien peu passionnant mais Charlie l'a tout de même sortie du cauchemar de son angélique cité et de ses trafics. Seule la troisième correspond un peu au profil: ex agent du MI6, elle a quitté les services secrets britanniques dont on devine esquissément qu'ils sont machiavéliques et corrompus. En même temps, 007 ne cesse d'y changer de sexe et de couleur de peau, on est donc assez porté à le croire.


Ce n'est donc pas du côté de ce trio que l'on trouvera de quoi s'intéresser à cette nouvelle aventure des Drôles de Dames.


Tout juste une apparition caution de Kelly Garrett pourra donner du baume au coeur ... ou pas !



What's the trouble with Bosley ?



Bien avant sa sortie, le film avait créé une vague de contestation: QUOI ? PLUSIEURS BOSLEY ?!!!! QUOI ? BOSLEY SERAIT UN NOM DE CODE ?!!!!!


Qu'en est-il ?
Il est vrai que "Bosley" devient un nom de code pour les "Lieutenants" de Charles Towsend. Néanmoins, ce nom de code a été choisi en hommage à John Bosley et ce dernier est donc bien considéré comme un personnage à part entière. On gratifiera le spectateur d'une suite de rafistolages et de photo-montages amateurs en début de film pour poser dans le rôle Patrick Stewart, qui succède donc à David Doyle et Bill Murray.
Autour de ce vrai premier John Bosley, une foule de Bosley pour son pot de départ à la retraite !


L'un d'entre eux, campé par Djimon Hounsou, devient arbitrairement le Bosley des Anges suivies dans le pré-générique. Et, bien qu'il constitue une nouvelle équipe avec les deux Anges qui travaillaient ensemble sans se connaître sous les instructions du premier Bosley, on le pose en mentor auquel les Anges ,qui viennent tout juste de le rencontrer, sont affectivement très attachée avant ... de l'expédier par le fond, au sens propre comme au sens figuré. Voilà les Anges et le spectateur en grand deuil d'un personnage qu'on n'a pas eu le temps de bien connaître. Il s'agira de se dire que son interprète est connu et apprécié du grand public, sans doute ...
Il est très vite remplacé par une Bosley. Oui, une. Le Bosley originel n'allait tout de même pas être envoyé à l'hospice sans raison. Une Bosley qui n'est interprétée par nulle autre qu'Elisabeth Banks, la réalisatrice un brin mégalo de ce nouvel opus ! Plus héroïne que les héroïnes, plus Bosley que le vrai Bosley (et peut-être aussi plus Charlie que le vrai Charlie), Miss Banks (quel nom révélateur !) aime se mettre en scène mais reste somme toute crédible dans son rôle et sait faire acte de pseudo-humilité (connaître le nom de Burt Lancaster, voilà un travers qu'il faut avoir le courage de confesser en pleine crise de jeunisme culturel des sociétés occidentales !) Et dire qu'on se gausse de Tom Cruise et de ses Mission: Impossible ! D'ailleurs à ce sujet, il y aurait à dire et à redire ...


Car le film se permet un "Job 3:14" avec John Bosley.


Job 3:14 est le pseudonyme que prend Jim Phelps dans le premier Mission: Impossible cinématographique, lorsque justement il bascule du côté obscure de l'Impossible Mission Force. Quand on sait combien ce choix de Tom Cruise et Brian de Palma a été et reste encore aujourd'hui très critiqué, on mesure le degré d'ignorance ou de stupidité d'Elisabeth Banks dans son choix de faire de John Bosley le grand méchant de son film.
D'autant que le choix du du Cruise-de Palma, lourdement condamné par Peter Graves qui refusa à l'époque de reprendre le rôle, n'était quant à lui pas dénué d'intérêt. Jim Phelps, vieux sage et vieux renard, ayant appris toutes les ficelles du métier au nouveau héros, ayant été le deuxième grand héros de l'ensemble des deux séries précédentes, se retrouvait, chute du Mur de Berlin oblige, dans la position d'homme trop moral dans un monde devenu machiavélique et cynique. D'où un désir de retraite personnel mais à la Sardanapale, consistant à chercher sa place ailleurs, au soleil, laissant l'ensemble des servies secrets en ruines.
Il n'en va pas de même avec John Bosley, faire-valoir comique et naïf homme de confiance de Charles Towsend, sans ambition démesurée ni opinion trop haute de lui-même, qui servait surtout de ce qu'on appelle aujourd'hui "comic relief", soit de personnage comique des intrigues, doublé d'ailleurs en ce sens par le jovial Philippe Dumat en version française. Il n'a aucune raison de virer de bord. L'excuse sera à la fois des plus floues (voilà qui plaira encore à Angèle) et des plus vaines: John Bosley n'accepte pas d'aller à la retraite (tout ressemblance avec un Jumanji récent est totalement fortuite mais le sophisme que l'on bâtit dans la conscience des masses spectatorales est néanmoins clair) et décide de faire le mal pour ne pas raccrocher. Pas assez, vous dites-vous ? Vous avez raison, car les scénaristes eux-mêmes ont senti la faiblesse de l'argument et invente in fine un sentiment absurde d'injustice ressenti par Bosley qui se pensait l'héritier de l'Agence Towsend ... un comble pour combler le gouffre abyssal d'une volonté de surprise qui accouche d'un crottin de Chavignol, comme dirait à juste titre un youtubeur à la mode.


Mais qu'avons-nous fait de John Bosley ?
Véritable questionnement: qu'avons-nous fait des hommes ?



Balance ton quoi ?



S'il est un écueil dans lequel on espérait ne pas voir sombrer le film, c'était bien celui-ci.
Si Drôles de Dames s'érigeait en série féministe de génie, qui faisait réfléchir quant à la place de la femme dans la société, Charlie's Angel (ou Charlie's Angel 3) s'avère un manifeste metooïste plus détestable que tout ceux que le cinéma a pu vomir cette année ...
Pour preuve, cette représentation du masculin qui est la sienne. John Bosley est à nouveau le bon exemple. Remplacé par une femme, le jovial auxiliaire et amoureux transi des Anges devient un homme méchant, beauf, cupide et surtout, surtout MISOGYNE ! L'ignorance rance de la réalisatrice du film va jusqu'à lui prêter, l'air méprisant, cette réplique: "Il y a toujours eu trop de femmes dans l'Agence Towsend !" Non seulement cela ne ressemble pas du tout au personnage de la série mais en plus cela signifie que Miss Banks (au patronyme définitivement si parlant) a omis qu'il existait dans l'univers des Drôles de Dames une agence homologue à celle de Charlie, qui a pour directrice une bonne amie de Charlie et qui n'engage que des hommes. S'il avait viré macho, John Bosley pouvait sans risque être engagé par cette dernière.
Autre fait parlant, l'autre Bosley est vite tué pour être remplacé par une femme, après avoir fait échouer la mission qu'il dirigeait.
Notons que les méchants, qui passent aisément du stade de grand méchant à celui de subordonnés ou d'associés qui s'ignorent tels, sont aussi des hommes souvent vains et plutôt stupides. Le premier des deux s'appelle Fleming, un nom qui ne semble pas choisi au hasard, petite pique des metooïstes aux mâles alpha qui pourraient se réclamer du langage effectivement très cru et machiste du papa de James Bond. Le second, véritable adolescent attardé passant du philanthrope naïf au cynique totalement dépassé et déconnecté, s'appelle Alexander Brock, n'est ni grand ni Venom et ne sert surtout strictement à rien. À faire passer les méchants de Mike Banning pour des énarques accomplis !
Seuls rescapés du la gente masculine: un geek soumis, un méchant tatoué qui mourra de façon spectaculaire mais après avoir été rabaissé, une sorte de Jack Sparrow asiatique qui joue les dragueurs maladroits, importuns mais sympathiques et Le Saint ! Oui mais, si vous aussi vous vous attendiez à l'impensable rencontre des Anges et de Simon Templar, ce que la velléité d'international laissait envisager comme possible, sachez qu'il s'agit en réalité du concepteur de gadgets, cuisinier, masseur et domestique de ces dames. Et il y en a pour critiquer les masseuses de Tanaka dans On ne vit que deux fois: quelle hypocrisie !
Mais l'apothéose, l'apocalypse au sens de révélation pourrait-on même écrire, réside dans la révélation finale. Le véritable dessein de tout(e) metooïste qui ne se respecte pas mais qui s'avère digne de ce nom:


Charles Towsend n'est plus qu'une voix détournée par une femme qui siège à sa place sur son fauteuil. On peut aussi nuancer en penant qu'il a céder sa place à un ancien Ange mais ce choix, troublant, du type "faire tomber le pop-corn" à la Phoebe Waller-Bridge, n'est pas innocent ...
Un propos plus féministe et un plus bel hommage à la série aurait assumer ce passage de flambeau, faisant un distinguo entre l'attitude Charlie et celle de Bosley. La voix de Charlie aurait annoncé le changement de direction puis une voix féminine lui aurait succédé. Dans le bureau de Charlie, on aurait alors suivi Kelly Garrett - quitte à la faire revenir ! - achever la phrase, raccrocher et s'adresser à un Charlie hors-cadre sur le départ: "Merci Charlie ! Bon voyage, prenez soin de vous ! Je prendrai soin de notre agence !" Ô combien plus émouvant et moins polémique ! Et ô combien mérité pour la plus représentative des Anges toute génération confondues !
Mais non, le combat metooïste d'abord !


Crevez donc, vils phallocrates, patriarche et autres singes à trois jambes: ici, c'est le règne de Dalila ! Et vous, qui n'avez que cure de la politique et des affrontements stériles des misogynes et des misandres par fictions interposés, acquiescez gentiment ou passer votre chemin et changez de salle obscure !



High Way to (empty) shell: Assez de ces Biiiiiiiiiiiiiip !



En conclusion, Charlie's Angels cru 2019 n'est qu'un film de propagande metooïste sans envergure, sans consistance, sans intérêt. On ne cherche pas vraiment à raconter une histoire ou, du moins, quand on cherche à le faire, on le fait à coups de surprises insensées qui n'ont aucun lien avec la belle franchise passée des Drôles de Dames, comme un saltimbanque ivre qui, ne sachant que dire, cumule les pirouettes sans grâce et les tours de magie éculés et sans âme.
On retiendra du moins quelques personnages tout de même sympathiques, le talent de certaines vedettes venues sauver l'entreprise, une volonté sans doute honnête de surprendre mais sans les moyens de le faire dignement.
Serait-ce l'aveu d'un impossible vrai retour des Anges de Charlie ?

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le 27 déc. 2019

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Frenhofer

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