Avec Bloqués, Orelsan et Gringe avaient déjà franchi l'étape de la transposition de leur univers musical à l'écran, fait de vannes douteuses et de sujets de conversations à côté de la plaque. Le format, très court, et le concept, épuré à l'extrême, amenait un humour absurde sans réelles limites quitte à plonger tête baissée dans la misogynie et discriminations de toutes sortes (surtout de la misogynie en fait...) leur valant de nombreuses critiques (dont ils se battent les couilles) mais permettant surtout une identification totale par bon de nombre de cassos avec ces deux personnages galériens.
Qui n'a, avec son meilleur pote, jamais eu de telles conversations sans queue ni tête ou une simple question "elle est comment ta pizza ?" pouvait dériver vers les morpions et le grattage de burnes ? Personnellement, ces purs instants de beauferies intensément débiles sur le canapé, je les accumule depuis quelques années, c'est donc avec un plaisir non dissimulable que je suis le format court depuis son commencement.


Mais voilà, si sur deux minutes l'idée fonctionne, l'étaler sur 1h30 s'avère très casse gueule, d'autant plus que Bloqués connaissait déjà quelques coups de mou et pannes d'inspiration plutôt exaspérants.
Heureusement et malheureusement, humoristiquement parlant, Comment c'est Loin reste exactement dans la même veine de la série et bien sûr du premier album des Casseurs Flowters. Pour cette raison, écouter l'album avant de regarder le film est indispensable tant la comédie repose sur les fondations de cet univers, avec pléthore de références, aussi bien dans les répliques, que dans les gestes (La Mort du Disque... De Garou), ou que dans la BO, forcément kiffante.


Cependant, le faux rythme imposé par le premier long d'Orelsan coupe trop souvent court à toute forme de comique, qui finit tel un clochard au bout du rouleau noyé dans l'Orne.


Plus qu'un problème narratif, la fadeur de la mise en scène est clairement responsable de cette allure en dent de scie. Malgré les conseils d'un cinéaste aguerri (Christophe Offenstein), Orelsan peine à mettre en place une quelconque dynamique avec sa caméra. L'approche naturaliste de la mise en scène se révèle fréquemment trop lourde et ponctuée de certains raccords très hasardeux. Concrètement, la caméra portée et la photographie terne contredisent le ton léger enrobant la globalité de Comment c'est Loin.


En revanche, ces choix siéent parfaitement au caractère social et générationnel de l'histoire.
Si le film était une huître, l'humour en serait la partie "comestible" (tout dépend du point de vue...) et le propos la petite perle cachée dedans.


Aussi étonnant que cela puisse paraître (pas tellement en réalité pour quiconque connaît bien Orelsan), Comment c'est Loin dégage un constat très juste et aussi alarmant derrière le quotidien des deux galériens de Caen. Dans sa représentation de leur ville natale déjà, désespérément chiante et laide à en faire fuir un rat mort et rappelant une misère quotidienne rencontrée par beaucoup. Toujours à l'opposé du bling bling, le duo s'efforce de nous balancer à la gueule la réalité de vies conditionnées par la société. L'intégralité du long-métrage repose sur cette dualité entre les rêves et les responsabilités contraignantes et envahissantes.


Comment c'est Loin comprend et dépeint parfaitement bien la génération à laquelle les deux rappeurs appartiennent, où la peur n'est pas plus celle d'échouer que de réussir, paralysant les personnages dans une situation inconfortable où procrastination est le maître mot.


La suite pour Orelsan et Gringe étant connue de tous, c'est par une touche d'espoir et d'encouragement que se clôture Comment c'est Loin, par l'écriture de ce fameux morceau dépeignant toute l'angoisse condensée et intériorisée par ces personnages (et personnes du coup) désormais devenus des sortes d'icônes pour leur auditoire.
Vaut mieux ça que d'avoir Kev Adams...

-Icarus-

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