C'est presque un huis clos que nous livre ici Patrice Leconte. Parce qu'elle s'est trompée de porte, Anna s'est retrouvée à confier ses déboires conjugaux à un conseiller fiscal, William Faber, joué par un Fabrice Luchini dans un contre-emploi très réussi, à la fois taiseux et assez lyrique dans ses expressions désemparées, ses gestes, ses silences. Il ne quitte jamais sa réserve, mais qui n'est pas sans intensité, une autre que d'habitude. Il arrive que sa voix monte un peu en intensité, on se dit, ah, on va avoir du Luchini ! C'est à l'image du film, qui fabrique des attentes, mais qui ne les assouvit jamais complètement. Ce mécanisme, typique d'un thriller, l'est aussi en ce qui concerne Anna, dont ceux qui connaissent la psychanalyse auront reconnu la névrose hystérique, ou si vous préférez une étiquette empirique et athéorique comme celle du DSM, un trouble histrionique de la personnalité. En ce sens, le nom d'Anna n'est pas anodin, il s'agit du nom d'une patiente bien connue de Freud, hystérique aussi, avec qui il a eu des relations sexuelles. L'ambiguïté joue donc sur plusieurs niveaux. Le désir d'Anna, c'est le désir de l'autre, pas forcément de manière consciente. Cela dit, il n'est pas question de consommer. C'est le principe de séduction-retrait. L'insatisfaction est essentielle. On désire ce qu'on n'a pas. Je n'irai pas plus loin, le mieux est de lire les textes. On comprends donc que l'intérêt du film passe pour beaucoup dans les dialogues d'Anna, qui séduit le spectateur en même temps que William. Ici Sandrine Bonnaire est une femme admirable, mais pas d'une sensualité folle, choix pertinent en ce qu'il permet de déployer la séduction sur un autre niveau, psychologique. On remarquera cela dit l'érotisation progressive d'Anna. Au début elle est vêtu d'un lourd imperméable avec un pull à grosses mailles kaki, à la fin elle porte une jolie robe fleurie et prend des poses sur le divan. C'est moins une stratégie que le résultat. Bref, ce film est un très bon thriller, on peut tout à fait l'apprécier sans connaitre les textes, mais c'est mieux pour savoir de quoi il retourne.