Voici donc un monde glauque où les morts méchants vont se faire torturer en Enfer pendant que les gentils vont manger des glaces au Paradis, où Anges et Démons intriguent pour les âmes des humains, où tout est mystères, intrigues et secrets toujours sombres, et où les quelques initiés qui ont entrevu cette vraie nature du monde chuchotent, au bord de la folie, des rumeurs et des noms. Et l'un de ces noms est John Constantine.
Vous connaissez l'histoire de la petite fille qui grimpe au mur avec les yeux révulsés en insultant sa mère en araméen ?
Quand les parents sont dépassés, ils appellent le psy. Quand le psy est dépassé, il appelle le curé. Quand le curé est dépassé, il appelle John Constantine.
A l'origine, on a une BD culte, Hellblazer. Passée par les mains de multiples auteurs et dessinateurs, les volumes sont de qualité inégale et l'intrigue est passablement compliquée. Le personnage de Constantine évolue dans un monde ultra-sombre, avec un mélange d'assurance blasée et de résignation pessimiste. Il n'a pas de grands pouvoirs, mais il « sait ». Il connaît les règles. Il connaît les limites des créatures qui semblent toute-puissantes. Et il sait jouer de toutes ces connaissances. Malheureusement, il y a des effets de bord et le taux de mortalité des gens qui le fréquentent avoisine les 100%.
Le passage de cette BD boderline et politiquement incorrecte au consensus mou hollywoodien laissait présager le pire. D'autant plus lorsque l'on a appris que John Constantine, anglais blond au look de clochard, improbable croisement de Sting et de Colombo allait être joué par le très brun et très propret Keanu Reeves, habillé en costard en plus !
Keenu Reeves n'a pas la gueule de l'emploi. Et son talent d'acteur est bien insuffisant pour combler le gouffre qui le sépare du personnage. Heureusement, il s'en tire plutôt bien (grâce à son texte) pour produire le mélange d'assurance blasée et de résignation pessimiste (voir plus haut).
Autour de lui, les autres personnages sont très inégaux. Un grand bravo pour Gabriel, ange androgyne hautain, moralisateur, qui assure quasiment à lui tout seul le politiquement incorrect du film. Est fort sympathique le Taxi Driver qui se prend pour De Niro, tout comme la plupart des 'amis' de Constantine. Par contre, Rachel Weisz est aussi crédible en inspecteur de police que Mère Thérésa en dealer de crack. Son personnage est le plus grand ratage du film, avec autant d'épaisseur et de caractère que le pion blanc n°3 de mon échiquier.
Reste le grand intérêt du film : l'ambiance, réussie par de bons décors, de bons cadrages, et de bons effets. On regrettera qu'elle soit plusieurs fois dissipée par des moments 'comiques' lourdingues. Seul le cynisme de Constantine passe bien.
Finalement, on sort du film plutôt content d'avoir un vu un gros budget hollywoodien hors du moule. Mais bien moins intéressant qu'une bonne BD.