Et si c'était le film le plus terrifiant ?

Des années qu'on nous balance des films d'horreurs et d'épouvante, l'homme aime avoir peur et ce, depuis la nuit des temps mais toujours dans un environnement contrôlé car le cinéma a des limites que la vraie vie n'a pas. Les raisons pour lesquels on aime les films d'horreurs/épouvantes sont variés, certains aiment les boogeyman, d'autres y voient un moyen de se procurer de l'adrénaline ou sont fascinés par la violence. Mais dans ces films-là, il était toujours facile de se réfugier derrière des excuses : pas crédible, trop sanguinolent, improbable. Même quand ces longs métrages s'inspiraient de faits réels comme Massacre à la tronçonneuse. Ça n'empêche pas à certains tirent leurs épingles du jeu comme le terrifiant Ils et son final de folie.

Mais Soderbergh passe à l'échelle supérieure. Fini le monstre caoutcheux ou en CGI, place à un virus microscopique. On est alors bien proche du The Thing de Carpenter sans créature polymorphe. Le mal est caché, invisible et il en devient infiniment plus terrifiant mais surtout il ne s'agit que d'un dérivé plus mortel de ceux déjà existant comme le H1N1.

Contagion a l'idée de commencer le film par un fait rarement vu au cinéma du genre. Au lieu de commencer par la fin du monde avec un ou un groupe de survivants et où le mal est sorti de nulle part mais tout ce qu'on sait, c'est qu'il a détruit le monde : les gens sont tous morts ou devenus des zombies/vampires/autres trucs bizarroïdes. Ce genre de film était toujours intéressant car ils offraient une vision post-apocalyptique du monde mais une certaine distance se marquait à l'encre noire car rarement une transition entre notre monde et le leur est montrée ou alors sous quelques plans très vite abordés. Contagion commence avec les premières attaques du virus.

Le film s'attache à rester le plus crédible possible tout au long du moins pour le spectateur lambda qui ne connaît que quelques bribes sur le mode de fonctionnement des organisations mondiales de la Santé. Certains experts trouveront sûrement quelque chose à redire mais il n'en reste pas moins que le film demeure terrifiant de réalisme. On n'est pas dans l'outrance du gore, ni une apologie de la violence. Le virus tue en faisant souffrir, sans états d'âmes, sans négociation et on le voit clairement avec la mort de plusieurs personnages principaux.

Contagion est aussi un film chorale comme les affectionne Soderbergh. Déjà fort de son expérience sur la saga Ocean et Traffic, il livre une œuvre très aboutie où chaque acteur reste à leur place, pas d'égo, pas de tentative d'accaparation de couverture. Chacun délivre de bonnes partitions en jouant toujours sur ce réalisme effrayant mais l'axe principal est surtout incarné par le personnage de Matt Damon incarnant le civil par excellence, le père de famille d'une banlieue.

Contagion s'adapte encore mieux au genre chorale car cela lui permet de montrer plusieurs points de vues sur la gestion du problème. Outre celui de Matt Damon (qui est aussi le point de vue le plus prisé dans les films du genre), sont aussi abordés ceux de la direction mondiale de la santé, des docteurs, des chercheurs en quête d'un remède, des mis-à côtés, des militaires, des paranoïaques. Le film défile très vite passant d'un point à l'autre trouvant alors le juste milieu entre la gestion humaine et politique de la crise. Toutefois, un manque d'humanité transpire dans ce film mais c'est un choix pertinent du réalisateur, ce qu'il perd en sentiment et autres bondieuseries (qui font mouche, ne nous mentons-pas), il gagne en crédibilité.

Un point de vue intéressant est abordé à propos de la communication. Alors que certains prisent la toute-vérité – cf. le paranoïaque, d'autres préfèrent se mesurer pour éviter tout panique. Il devient alors difficile de se forger une opinion solide sur la réaction à avoir face à un tel problème car entre la théorie et la pratique, le fossé est tel qu'il en devient un abime sans fond.

Pour achever de magnifier le tableau digne d'un scénario catastrophe, Soderbergh rajoute une réalisation à base de caméra à l'épaule comme si on était en présence d'un documentaire. Résultat: un constat glacial.


SPOILER

Par contre, j'ai été un peu déçu par la fin où finalement tout se termine bien. Je pensais qu'on allait avoir un retour en force de l'épidémie à cause du comportement du personnage joué par Laurence Fishburne. Pour rappel, il ne prend pas le vaccin, préférant le donner au gamin. N'est-ce pas là un comportement irresponsable ? Bref, tout se termine bien et en plus, on nous divulgue l'origine de l'épidémie, n'aurait pas mieux fallu laisser le trouble sur l'origine afin de fournir une portée plus universelle au film ? Mais cela permet au réalisateur de jeter un rappel sur les conditions d'hygiènes parfois exécrables des restaurants, histoire de marquer le coup.

Aussi, un autre truc mais ça, c'est moi. Lors de la crise de Paltrow, j'ai dû me retenir pour ne pas me marrer tellement ça ne le faisait pas trop. Par contre, sa mort et celui de son gosse m'ont un peu marqué. Soderbergh impose clairement une ligne: tout le monde peut mourir. On le voit clairement par la suite où Kate Winslet meurt à son tour.

Toutefois, j'ai adoré la scène où la foule est prise de panique envahi la pharmacie, où le blogueur paranoïaque joué par Jude Law commence à raconter un peu n'importe quoi même si certains de ses propos touche le vrai. Contagion demeure excellent dans sa partie apocalyptique, où les rues sont désertées, où les ordures remplissent les rues. Un bref frisson m'a parcouru l'échine en voyant ce à quoi peut ressembler notre monde le jour où ça arrivera.

FIN SPOILER


Conclusion :

Un requin en plastique a été capable de faire vider les plages, on n'ose imaginer les dégâts que peut produire un tel film. Touchant une des plus grandes peurs actuelles, le film est encore plus traumatisant qu'il demeure le plus réaliste possible du début jusqu'à la fin.

Une belle leçon de Soderbergh bien aidé par un beau casting (mais ça n'a jamais été un problème pour lui).
Marvelll
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le 24 oct. 2011

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Marvelll

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