Ce documentaire du réalisateur Pierre-Alain Saguez met en évidence les conséquences de la drogue en se focalisant sur Dan, un toxicomane d’une quarantaine d’année, qui après avoir perdu son chien, quitta la métropole française pour s’installer à Cayenne, chef-lieu de la Guyane française. Cet homme a passé 24 ans à se droguer. En outre, le réalisateur nous fait découvrir un homme maigre de nature d’après ses dires, mais qui n’a que la peau sur les os, un vrai cadavre ambulant. Il était surveillant de camping durant l’été et qu’après la mort de son chien, il voyagea jusqu’à Cayenne en utilisant l’argent gagné par son travail d’été. Il vit depuis quatre mois et demi dans cette ville, et que sa vie est plutôt difficile. En effet, il est obligé d’aller dans la rue et faire la manche afin de se procurer les deux cent francs français nécessaire à sa prise de drogue quotidienne, allant de 2 à 3 prises par jour de plusieurs sorte de drogues, insuline, héroïne en plus grande partie, sans compter l’argent nécessaire afin de se nourrir s’élevant en moyenne à cinquante francs. Dan est un homme éduqué ayant de la culture qui se sent coupable d’avoir pris la voie de la drogue, poussé par un homme dont il n’oubliera jamais le visage et que Dan traite d’irresponsable et d’imbécile en raison du fait qu’il ait poussé un jeune de seize ans à se droguer. Ce documentaire produit par IO Production transcende alors la seule dénonciation des conséquences de la drogue. En effet, Cric-Crac à Cayenne est alors une entrée psychologique dans la tête du sujet par l’utilisation de gros plan afin de se lier d’émotions avec Dan, mais aussi par les déclarations très intimes du protagoniste, ou encore les regards caméra de Dan qui renforce le lien que la caméra stoppait. La frontière entre Dan et nous se brisent, créant donc une relation intime entre nous et lui. C’est donc quarante minutes d’intimité avec un homme donnant sa vision à propos de sa situation, dans un sens je trouve que le documentaire repose alors sur Dan plus que sur les partis pris de Mr. Saguez.
En effet, bien qu’une intimité se crée, cette sensation est dérangeante, affligeante, avec des images choc du corps transpercé par le nombre incalculable d’aiguilles utilisé par Dan ou encore par la vision de sa maigreur et même de sa main droite souffrant d’un œdème. C’est un des points forts des partis pris du réalisateur. Mais comme je le disais, les intentions et l’axe choisis par Pierre-Alain Saguez se font comprendre par Dan et se transforme en quelque chose de captivant par la façon dont Dan raconte les choses, un reproche pourrait alors être fait sur ce flou dans la mise en scène malgré quelques effets saisissant comme la procédure filmée d’une prise de drogue de Dan. Ensuite, beaucoup de points forts viennent du protagoniste, il nous fait entrer dans son monde, en touchant le spectateur quant à sa situation. En effet, Saguez met en évidence alors un très complexe problème philosophique, celui de la morale, et aussi à l’aise qu’un philosophe comme Kant, Dan commence à exposer sa vision de la morale dans son monde plus que dionysiaque. Ainsi, il indique que la morale existe en elle-même et pour elle-même, qu’elle a ses propres règles et qu’il faut seulement être bien informé afin de ne pas faire de très mauvais choix comme il l’a fait, avec sa première prise de drogue qu’il l’a poussé dans un cercle vicieux dont il ne peut plus sortir. Pierre-Alain Saguez, pose alors l’expérience d’un homme mûr devant la multiplicité des choix à portée de la morale humaine, ce qui en fait la scène la plus symbolique de ce documentaire. Plus que seulement la morale, Saguez développe le problème du rapport avec l’autre, exprimant la vision qu’il a de lui-même, maigre par choix, édenté, mais plus important, il est seul, seul par choix, même si rester seul est aller contre sa volonté c’est un choix qu’il soutien quand bien même il souhaite un contact, une affection, souligné quand il explique qu’il avait déjà essayer de décrocher pour ressentir à nouveau. Au niveau de la mise en scène, Pierre-Alain Saguez n’innove pas dans l’utilisation de l’interview de façon classique, face caméra en plan fixe ponctué de voix-off du réalisateur afin de poser des questions qui dirigera l’intention qu’avait le réalisateur au début du projet. Le filmer dans la rue reste intéressant pour la symbolique développée derrière, celle d’un homme comme les autres qui, malheureusement, en prenant un mauvais chemin se voit juger par lui-même et le monde extérieur. Néanmoins, le choix des valeurs de plans ou encore des lieux d’arrière-plan, ne sont pas très variés et pas toujours approprié. En effet, l’utilisation de drogue incite à des valeurs de plans variés et un montage dynamique durant l’utilisation de drogue comme l’a compris Darren Aronovsky dans Requiem for a Dream ou encore Danny Boyle dans Trainspotting. Aussi, la fermeture du film se fait sur une déclaration intelligente et émotionnelle de Dan, ouvre sur sa situation et sa vision de lui-même dans le futur, très sombre, un mariage avec la mort, une sorte de Don Juan ayant une addiction à l’héroïne et non aux femmes mais dont la fin tragique serait la même, une descente aux enfers causé par son train de vie. A la fois pédagogue, touchant et plein de rédemption, la force du film réside dans l’authenticité de son protagoniste et en même temps antagoniste, que le réalisateur met en valeur sans forcément illuminer son intention et ses partis pris n’étant pas assez présent et constant à travers la totalité de son œuvre.

En quelques mots, avec un sujet très délicat et fragile, Pierre-Alain Saguez réussi à s’en sortir grâce à l’histoire d’un homme authentique, ayant des déclarations intelligentes et une philosophie que l’on aime suivre.
Victor_Galmard
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le 15 nov. 2014

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