"L'homme est trop faible face à la grandeur de la nature"

Vladimir Arsienev, officier topographe russe au début du XXe siècle, a écrit un roman autobiographique intitulé Dersou Ouzala en hommage à l'homme qu'il a rencontré dans la taiga en 1902. C'est l'histoire de ce film.

J'ai vu ce film en VO dans un petit cinéma de quartier et j'en suis ressorti tout tourneboulé.
Akira Kurosawa m'a infligé une claque. Malgré la qualité déplorable de la bande (l'image sautait, s’effilochait, le son grésillait, la couleur se délavait..etc) j'ai vu un film magnifique. Incroyablement beau. Une vraie leçon de cinéma ou comment magnifier l'image sans artifice. La photographie est sublime et certains plans sont d'une beauté époustouflante. Je pense notamment à une scène au crépuscule où la lune, le soleil couchant inondant l'impénétrable taiga de son linceul rougeoyant ainsi qu'une construction humaine cohabitent dans un plan où Dersou nous explique la nécessité de l'harmonie.

Car Dersou il est comme ça. C'est un chasseur. Un homme des bois. Un être façonné par la nature. Qui a non seulement appris à vivre avec la nature mais également pour elle. Il va imprégner le Capitaine de ses émotions et c'est naturellement qu'une relation particulière va unir les deux hommes. Comme en atteste cette scène lors de la seconde campagne de repérage russe où les officiers sont au second plan autour du feu et le duo phare du film au 1er plan. Ils ne parlent pas. Personne ne parle. Les officiers sentent qu'il se passe quelque chose. Les spectateurs aussi. Mais tous nous assistons à la communion entre Dersou, le Capitaine et la nature. Pas besoin de parole. Pas besoin de sous-titres. Kurosawa s'affranchit de tout cela pour nous éblouir de son art. Grandiose.

Le film dure 2h30 mais on ne les voit pas filer. Comme dit précédemment la photo est sublime et on se délecte de cette nature filmer dans son plus simple appareil. Les plans sont superbes et la taiga offre des paysages dotés d'un panel de couleurs grandiose. Kurosawa a fait le choix (gagnant !) de filmer dans des conditions extrêmes et c'est tout à son honneur comme en témoigne l'haletante scène de la tempête. Cette violence des éléments contraste avec le mal-être de Dersou vers la fin du film. On est triste pour cet homme. On sent qu'il n'est pas à sa place. Mais on connait déjà tous le dénouement de cet histoire. Ainsi que la terrible morale qui nous revient en pleine tête suite à l'ouverture du film. Dersou n'est plus. Les hommes comme Dersou n'ont pas leur place. N'ont plus leur place. Poignant.

Un film à voir pour qui veut s'évader ou prendre un shot d'humanisme distillé avec talent par A. Kurosawa.
MarlBourreau

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