"Une mauvaise blague tourne au drame". Ce résumé rapide digne d'un titre d'article de presse représente à lui seul la critique essentielle qu'on pourrait faire au sujet de Detroit.
À l'instar de ce qu'elle a pu proposer pour Démineurs ou Zéro Dark Thirty, Kathryn Bigelow ne s'est, en effet, pas départie de sa neutralité et de sa distance pour traiter son sujet (ici, le conflit social à la fin des années 60, à Détroit, sous fond de racisme). Ainsi, cette méthode impersonnelle empruntée au journalisme nous laisse avec un pied à l'intérieur et un pied à l'extérieur, dans une froide réalité et dans une fiction sans relief.
Néanmoins, cela permet aussi de ne pas s'enfermer dans un jugement facile. Malgré un huis clos central long et éprouvant mettant en scène les pires bassesses et les pires ignominies humaines, la réalisatrice, le reste du temps, propose suffisamment de personnages pour nous faire prendre conscience de la diversité des comportements, pour guider notre réflexion ailleurs que vers la généralisation. Cette richesse d'individualités empêchant l'emprise d'une seule d'entre elles sur les autres, et le casting, modeste mais efficace (John Boyega, Will Poulter, Algee Smith, Anthony Mackie...), convient parfaitement à explorer de façon non exhaustive une immensité de possibles au sein de notre société.
Au final, Detroit n'a pas la force sentimentale ni la folie chaotique d'un grand film social mais demeure suffisamment pertinent, honnête et nuancé pour qu'on le considère nécessaire, utile et profond dans un climat actuel qui pourrait nous faire craindre un éternel recommencement...
Note : 7,5/10