District 9 par Kariboubou
Je suis rassuré. Depuis quelques années j'avais peur que le film d'action (une des facettes, vu le film) soit tombé entre les mains de tacherons. Je pleurais en hurlant: Mais ou sont les nouveaux James Cameron et John McTiernan ?! Ou peut-on trouver un film d'action bien filmé et intelligent ? Elles sont où les thématiques que des artisans comme ces deux réalisateurs mettaient dans leurs films ? Pourquoi on confie des films à des mecs comme Len Wiseman (l'exécrable et inexcusable Die Hard 4) ou Michael Bay ?!
Et on m'a sans doute entendu, ou alors c'est juste un coup de chance. Le projet du film Halo étant suspendu, Peter Jackson et Neil Blomkamp décidèrent de transformer le court-métrage « Alive in JoBurg » en long et en passant, en faire un chef d'oeuvre.
District 9 se déroule à Johannesburg, en Afrique du Sud. Il y a 20 ans, un énorme vaisseau s'est posté au dessus de la ville, délivrant des millions d'extra-terrestres. Aucune animosité en vue et souffrant de divers maux, le pays décide de les parquer dans des centres de soins temporaires. Mais à force de laisser le problème stagner, le District 9 est devenu un bidonville miséreux.
Neil Blomkamp aurait dès le départ pu jouer sur la facilité. Les méchants humains contre les gentils aliens. Directement on nous présente les « crevettes » (nom péjoratif donné aux Aliens), au physique disgracieux, rappelant des insectes, comme aussi des personnalités violentes. Ils volent, pillent, tuent et brûlent des bus ou des magasins. Mais les premières questions se posent d'elles-même à travers la réalisation très documentaire (mais pas que. On nous présente l'univers du film à travers les infos, les caméras de surveillance, les vidéos amateurs, etc. etc.). Faut-il croire tout ce qu'on nous montre et leur violence est-elle naturelle ou inhérente aux traitements qu'on leur fait subir ? La ségrégation par une grande partie de la population (l'idée de mettre tout ça en Afrique du Sud n'est pas innocente) qui en a assez des violences urbaines et de l'argent injecté dans les programmes de maintien s'adresse-t-elle aux bonnes personnes ?
La 1ère partie du métrage est donc filmé de maintes façons mais jamais de manière dite cinématographique. La plupart du temps on suit une équipe de tournage qui interview Wikus Van De Merwe, un agent lambda du MNU (l'organisme qui s'occupe des affaires extra-terrestres) dans un grand nettoyage de printemps : les « crevettes » vont être déplacées dans le District 10, un tout nouveau camp à 200km de la ville. Il faut donc les expulser. Loin d'être un héros, Wikus, se comporte comme la plupart des humains : il est lâche, désagréable et insultant envers les Aliens, mais après avoir reçu par accident un liquide noirâtre dans le visage, sa confortable vie va être chamboulée. Convoité par le MNU et n'écoutant que son égoïsme pour s'en sortir il va devoir retourner au bidonville pour chercher de l'aide.
Il est intéressant de noter que subtilement, à travers tout ces événements, la réalisation documentaire laisse peu à peu la place à de la cinématographie, pour se transformer, avec brio, en vrai film. Le dynamisme est présent et se sent bien car aucune sous-technique de surdécoupage est présente pour combler le manque de talent. On a donc droit à un vrai combat jouissif entre les mercenaires et Wikus, rappelant les meilleurs scènes d'AlienS de James Cameron. Une tension, qui aura commencé dès le début du film, et qui trouvera son pinacle pendant cette longue scène de guérilla urbaine.
La thématique principale qui fait écho à l'histoire noire de l'Afrique du Sud se brode habilement au métrage. Racisme, incompréhension, voir expérimentations sadiques sous la raison d'enjeux scientifiques. Sans en faire du pathos, Blomkamp, arrive à transformer de simples scènes de dialogues inter-espèces qui résonnent comme une véritable parabole à l'histoire de l'espèce humaine.
Alors maintenant je ne pleure plus. Je sais que y'a des mecs comme Neil qui sont là pour rattraper le temps perdu, pour être de véritables artistes, pour me faire ressentir des choses que je croyais oubliées. Un premier film qui me donne l'impression de revenir en arrière quand j'ai matté Terminator : on tient un grand cinéaste. Mais c'est trop rare... Comme l'or. Et n'est-ce pas cette rareté qui lui donne sa valeur ?