Où sont les femmes ? Je n'ai vu que des stéréotypes...

A l'heure où les superproductions internationales sont carrément féministes (Mad Max : Fury Road, Star Wars : The Force Awakens), il parait impensable qu'une petite boite française touche à tout (Ankama fait dans l'édition, le jeu vidéo, et depuis peu dans l'animation) accouche d'un film aussi abouti sur le plan de l'animation et de la réalisation, que rétrograde sur sa vision de la femme. Ça vous parait dingue ? Attendez un peu...


A première vu, ça peu sembler anodin : un cliché par ci, une blagounette misogyne par là. Rien de grave. Mais quand on y regarde de plus prêt c'est beaucoup moins drôle...


La meilleure amie du héros (un jeune garçon forcément) est une petite chienne (littéralement) nommé Lilotte (à une lettre près ça fait Linotte, "tête de linotte" ça vous dit quelque chose ?), qu'on ne se prive pas de la sexualiser malgré son jeune age (environ 10 ans) image à l'appui


Il n'y a rien de mal à ce qu'un personnage féminin affirme sa sexualité, ou mette en valeur son corps, mais quand c'est TOUS les personnages féminins qui le font, c'est que les créateurs ont un problème. Voyez vous-même :


Bakara (rôle de side-kick/grande sœur) je sais que c'est un artwork mais c'est le chara-design exact du personnage.


Julith (la méchante du film)


Je ne vous parle même pas des poses suggestives qu'elles prennent dans le film, des plans de caméra sur leur poitrine, leurs fesses et leur entrejambe, et des petits cris de jouissances qu'elles poussent à la moindre action...


Les autres personnages féminins qui apparaissent dans le film sont :


-Une bande de groupies hyper sexy, fan d'un beau-gosse superficiel joueur de Boufbowl, qui sont hystériques et jettent leur sous-vêtements dès qu'elles le voient, et le répudient carrément quand il coupe ses cheveux vers la fin du film. (Évidement pas un seul homme parmi ces fans hystériques, seule les femmes sont suffisamment superficielles pour avoir ce genre de comportement)


-Une grand mère, un peu répugnante et mesquine, qui n'est là, en gros, que pour qu'on se moque de sa calvitie. (Edit : apparemment c'est un personnage masculin, Mea Culpa)


C'est pas glorieux, mais le pire est à venir :


Tour à tour dans ce film les femmes sont : superficielle, obsédée sexuelle, alcoolique, idiote, emporté, incapable de se défendre, incapable de maitriser leurs émotions, incapable de se décider... (j'en passe et des meilleurs)


Dans un moment de tristesse, Bakara (qui bois pour oublier qu'elle avait fait quelque chose d’irréfléchi) pose une question qui peu sembler idiote. Aussitôt, un personnage identifiable comme masculin (voix d'homme, prénom d'homme) lui jette violemment un grimoire au visage, pour lui apprendre... Elle tombe au sol, meurtrie, et se met à saigner du nez. Et c'est sensé être drôle...


Le seul personnage féminin qui a l'air de s'en sortir un peu (malgré sa sexualisation à outrance), c'est Julith. Le personnage est complexe, fort, avec une volonté de fer, c'est une puissante magicienne. Et soudain, au détour d'une réplique, on apprend qu'elle a fait du tricot pendant qu'elle était enceinte, AH ? Merci ! J'ai failli oublié que c’était une femme ! Mais heureusement que vous êtes là pour nous rappeler que les femmes, ça tricote ! Ça doit être dans leur gènes, ou quelque chose comme ça... Ah oui et puis à la fin son mari (oui oui) arrive et d'un simple regard lui fait comprendre que ce qu'elle fait c'est pas bien, alors elle se sacrifie pour réparer le mal qu'elle a provoqué. Quand les femmes n'ont plus leur mari pour leur dire quoi faire, tout part en cacahuète décidément !


MAIS VOUS N'AVEZ ENCORE RIEN VU !


Le personnage de Khan (bon à rien, beau gosse superficiel bodybuildé, lâche et menteur) passe TOUT le film à harceler sexuellement la pauvre Bakara. Elle expose très clairement son refus, mais il insiste... de plus en plus ! Elle se plaint à haute voix "il est pénible" et Joris, le héros (repère moral du film), lui répond "Pourquoi tu dis ça ? Il est gentil avec toi" et elle ne trouve rien à lui répondre ! Donc Khan insiste encore, jusqu’à quasiment la forcer ! ET C'EST A CE MOMENT LA QU'ELLE COMMENCE A S’INTÉRESSER A LUI ! Plus il est sur le point de la violer, plus elle succombe. Elle finira même par lui fondre dans les bras sous les effets de l'alcool ! Allez-y les jeunes ! Si une femme dit non, il faut insister et la faire boire ! C'est comme ça que vous pourrez la ramener chez vous ;)


C'est sidérant...


Dans la scène post-générique elle lui enverra un message vocal pour lui dire que finalement elle ne veux pas de rendez-vous avec lui. Histoire de bien nous rappeler que les femmes sont changeantes et incapables de se décider. Et puis surtout elles envoient des messages à distance quand elles veulent "rompre" car elles perdent la tête quand elles sont face aux hommes, et ne peuvent rien nous refuser.


Je ne pense pas que les réalisateurs Anthony Roux (aussi scénariste) et Jean-Jacques Denis et le co-scénariste Olivier Vanelle soient des gens fondamentalement misogynes, ni qu'ils aient fait ce film volontairement dans le but de nuire aux femmes. Mais le résultat est là, et ce film, malgré ses bonnes intentions (messages de paix, de pardon, de sagesse, d'amitié, d'entre-aide) véhicules des tonnes de clichés honteux et dégradants pour l'image de la femme.


Comme quoi le combat pour l'égalité et le respect de tous est encore loin d'être terminé.


Edit : Suite à certains commentaires, je rajoute une description des principaux personnages masculins du film, car s'il y a bien des personnages masculins risibles comme Khan ou Guy (je ne parle pas de Marline car le débat est encore ailleurs sur celui la), les personnages suivant sont bien plus importants et viennent contrebalancer l'image des hommes :
-Kerubim, vieux chat humanoïde, sage et puissant guerrier. Il adopte des orphelins, et fait tout pour leur donner une éducation et de l'amour. Il se sacrifie pour sauver la vie de son petit protégé.
-Joris, le héros du film, possède un cœur pure comme la neige, il est courageux et aventurier, il crois dur comme fer en la rédemption, et est près a pardonner d'affreux criminels sous prétexte qu'ils sont de la famille de son grand père adoptif.
-Atcham, le fameux criminel, frère de Kerubim, qui sera touché par le cœur pure de Joris, et fera acte de repentance (il me semble qu'il se sacrifie lui aussi).
-Jahash, le héros ultime, il est fort, sage, réfléchit. C'est un maris aimant, qui se sacrifiera pour sauver la ville. Son seul regard remet Julith dans le droit chemin.

Cordyceps
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le 12 févr. 2016

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