Le projet d'adapter le planet-opéra Dune n'est clairement pas une sinécure, et elle s'est vite relevée être, au fil des tentatives, une œuvre certes dense et au potentiel énorme, mais à l'aspect justement bien trop dense et complexe à porter à l'écran. Lynch s'y sera cassé les dents avec une œuvre dont il préfère désormais taire l'existence, et du projet de Jodorowsky ne resteront que des bribes, et alors que l'adaptation était en gestation depuis des décennies, une lueur d'espoir s'est dessiné sur les dunes arides de Arrakis.


Cette lueur, c'était Villeneuve, devenu rapidement le Roi Midas du cinéma, et dont les effets de son pouvoir ne demandait qu'à être dévoilés avec un fait d'arme unique en son genre. Les deux se seront bien trouvés, et le réalisateur canadien aura d'abord eu besoin de se préparer avec Premier Contact et Blade Runner 2049 pour peaufiner sa technique, afin de se sentir capable d'adapter en une future trilogie le récit de Paul Atréides.


Le défi est de taille, reste désormais à savoir si le public y sera réceptif, car l'adaptation de Villeneuve, si elle sait se plier par instants aux arcanes du blockbuster, a pleinement conscience de ce qu'elle est et l'affirme pleinement : une œuvre d'auteur. Il faut alors consciemment accepter de ne pas être gavé de combats titanesques aux impacts démentiels, pour lui préférer ici des combats d'art martiaux aux sons étouffés et des explosions aux teintes monochromes, montants telles des tumeurs dans un ciel poussiéreux.


Car la couleur fait encore la part belle ici, et si l'impact est de suite moins marqué que dans Blade Runner 2049, le rendu reste travaillé avec un soin maladif, et la composition en tableau saura laisser le spectateur coi devant des scènes d'une beauté époustouflante. Il y aurait alors mille et une chose à dire sur ce qui fait de Dune une œuvre clé dans l'histoire du cinéma, à mon sens, tant elle sait démontrer que le concept de blockbuster et de film d'auteur ne sont pas forcément deux éléments incompatibles.


Cette harmonie entre œuvre d'art et film de divertissement trouve son origine dans plusieurs points, que sont la liberté de création qu'aura eu Villeneuve tout le long du process, ainsi que le talent du réalisateur pour trouver un juste équilibre entre patte artistique marquée, refus des conventions classiques, et envie de divertir un public et satisfaire le box-office. Bien sûr, je calmerai de suite mes ardeurs en ne transformant pas non plus Villeneuve en un véritable artisan de la contre-culture, de l'anti-blockbuster, mais bien en une sorte de diplomate entre les deux extrêmes ayant réussi à trouver un terrain d'entente.


Ainsi, Dune devient un film souvent contemplatif, parfois lent et apaisé, quoique rythmé par la musique épique de Zimmer en permanence, mais sachant trouver un juste milieu dans son rapport d'action-contemplation. Son panel de personnages dévoile un véritable champ de bataille aux portées multiples.


D'abord politique, avec une lutte entre les castes des Atréides et des Arkonnen pour le contrôle de la fameuse épice, fruit de toutes les convoitises et mettant entre deux étaux les Fremen, peuple originaire de Arrakis.


Ensuite religieux, avec la ferme main mise des Bene Gesserit qui assied leur domination via des prophéties guidant les peuples vers la direction qu'elles désirent.


Et enfin écologique, tant cette planète aride dont le destin aurait pu être différent sans l'existence de cette drogue populaire et lucrative qu'est l'épice, et qui démontre bien quelles conséquences peuvent avoir l'avidité de l'homme sur tout un écosystème.


Arrakis devient donc un pâle et poussiéreux reflet d'un monde que nous connaissons bien, et offre une sublime mise en bouche d'un univers aux ramifications multiples. Villeneuve démontre avec talent que Dune est adaptable et possède en elle des messages intemporels et une vision multiple d'un avenir peu radieux.

Le-Maitre-Archiviste
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le 17 sept. 2021

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