Que Denis Villeneuve se charge de Dune, c'était au final un choix logique. Le réalisateur québécois sort de deux succès critiques avec Arrival et Blade Runner 2049, et a prouvé avec ce dernier qu'il sait apposer sa patte tout en respectant une oeuvre originelle devenue culte.


La trame du film suit globalement le livre d'Herbert, ce qui ne surprendra pas grand monde, et la décision de couper le premier volume en deux films semble dès lors inévitable. Au risque de répéter un truc évident : adapter une oeuvre comme Dune, c'est tout sauf facile.


Le combo Deakins-Villeneuve fait pourtant encore une fois mouche pour représenter le gigantisme démesuré des vaisseaux, batiments et bien sur du désert. Le spectateur en prend plein les yeux, et on ressent très vite cette si familière sensation d'écrasement qui rétait omniprésente dans un Blade Runner. Les personnages sont écrasés par plus grand qu'eux en permanence, formellement il n'y a pas grand chose à reprocher à ce niveau.


Pour contrebalancer ces choix, les costumes et personnages restent d'une élégante sobriété, à mille lieues de la folie du projet de Jodorowsky ou même de ce que l'on avait pu voir chez les Harkonnen de Lynch. A mon sens, il s'agit d'un pari gagnant, car quelque soit l'environnement, ce qui fait l'intérêt de Dune c'est ce que ses personnages traversent.


La lutte de Paul par rapport à son destin est le point central de ce premier film. Entre Cassandre, messie et adolescent, Villeneuve arrive à nous faire ressentir beaucoup d'empathie pour le personnage campé magistralement par Timothée Chalamet. A ce titre, la scène finale du combat au kral conclut apothéose amère le long métrage, et permet de garder en tête la sensation centrale ressentie durant ce film : "quelque chose de terrible va arriver". C'est aussi je que j'avais retiré de ma lecture du bouquin, et c'est toujours un joli compliment quand une adaptation arrive à retranscrire le message de son matériau originel.


Je ne vois pas l'avenir comme Paul, mais je pense que cette atmosphère va se réveler particulièrement à propos connaissant toute l'ampleur de propos écologiste de l'oeuvre d'Herbert. Mais là on touche au gros soucis que j'ai avec ce Dune 2021 : c'est une introduction. Certes, celà parvient à rendre relativement compréhensible les tenants et aboutissants du complexe univers de SF, mais il en reste que le film peine à avoir un propos cohérent sans sa suite.


Si je suis bien plus indulgent vis à vis de l'adaptation d'un magna opus de la science fiction que de la stratégie de sérialisation d'un Marvel, il n'empêche que Dune peut laisser un sentiment de trop peu.


Pas juste car son histoire ne se termine pas, mais aussi à cause du véritable déluge d'action auquel on a assisté. Il se passe beaucoup beaucoup de choses entre la politique autour des Atréides, l'arrivée et la découverte d'Arrakis, les trahisons et combats. Malgré une durée de 155 minutes, il reste peu de temps pour développer d'autres personnages que Paul. Pour le néophyte, je pense que le rôle de Jessica doit être relativement complexe à comprendre, même si Villeneuve utilise à bon escient le talent de Rebecca Ferguson pour le dramatique.


Les dilemmes moraux des personnages sont souvent bien mis en valeur par la réalisation et le montage, même si l'omniprésence d'une bande son très moyenne fait que le résultat ne fait pas toujours mouche. On pense particulièrement à la dernière discussion entre Rebecca et Leto qui perd clairement en intensité du fait d'un choix de luminosité trop dans la continuité de ce que le spectateur vient de voir et surtout d'un thème musical qui vous semblera être exactement le même depuis une heure. Là encore, j'y vois une volonté de sobriété.


Comme dit plus tôt, au vu des choix faits, je ne vois pas comment il aurait possible de faire un seul film autour du Dune de 1965. Lynch avait essayé et s'y était cassé les dents à divers égards, et Jodo partait sur clairement plus que 2h40 de film.
Il n'en reste que Dune nous a régalé de plans magnifiques, d'une structure narrative cohérente et d'une esquisse efficace des thèmes qui font l'intérêt de l'univers. Ce sera intriguant, rebutant pour certains, magnifique pour beaucoup, tout en offrant une expérience radicalement différente de ce que l'on voit actuellement dans des blockbusters. La mort d'un monde et la génèse d'un prophète, c'est pas tous les jours sur les écrans.


Vivement la suite.

Behemoth
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le 27 sept. 2021

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Behemoth

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