Alors là je tombe des nues, je n'avais jamais entendu parler de ce film! Ayant déjà loué le talent de portraitiste de Jacques Becker pour Goupi mains rouges, cette comédie de mœurs m'apparaît comme une évidence.
Dès le générique, nous sommes accueillis par une musique charmante, pour un film qui le sera à bien des égards. Daniel Gélin et Anne Vernon (craquante), sont très bien. Lui, c'est Edouard, Doudou pour sa chère et tendre, est un pianiste talentueux mais inconnu, désargenté est-il besoin de le signaler ; elle, c'est Caroline, prononcé à l'américaine par son oncle fier d'être passé par Oxford, qui vient d'une famille riche et influente. Lui doit donner un récital pour cette famille dont il ne supporte pas les airs hautains et condescendants. Mais elle a jeté son vieux gilet de costume, ce qui fait qu'il se retrouve sans rien à mettre. Et donc, disputes, scènes de ménage, réconciliations, et c'est parti.
C'est un film très en avance sur son temps, inattendu donc, dans la filmographie somme toute très classique de Becker. Mais quel talent, on l'a dit, pour caricaturer ses personnages, se payant en outre le luxe, comme avec l'américain, de sortir avec brio des clichés. Quel bonheur de voir ces bourgeois incultes fermer les yeux pour mieux apprécier la musique, car cela se fait, cela montre qu'on est mélomane, qu'on est quelqu'un d'éclairé. Et puis de s'avérer du vulgaire le plus assommant, même si on s'en doutait bien. Non pas que le populaire soit beaucoup mieux traité.
Caustique, Becker? Pas du tout, voyons. Mais ce qui fait toute la différence, et il suffit de voir quelques satires de mœurs actuelles pour s'en rendre compte, c'est que ces personnages, ils ont leurs défauts c'est certain, mais ils ne s'y réduisent pas, du moins pour la plupart d'entre eux. Ils sont sincèrement désireux de bien faire (sauf un, à qui rien n'est épargné). Caustique donc, mais pas misanthrope, et c'est ce qui donne tant d'attraits à cette comédie.