Le cinéma français continue de surprendre avec ce film de Régis Roinsard connu surtout pour le film Populaire dans lequel on retrouvait déjà Romain Duris. Ce film nous propose donc l'adaptation du roman éponyme qui a eu un franc succès en France. Au-delà d'être une adaptation visiblement réussi du roman (Pas d'avis sur ce point n'ayant pas lu le roman), le film propose une réelle réflexion sur l'impact de la folie sur les proches et surtout, sur le regard de la société concernant la folie et son possible traitement.
On peut déjà noter un choix fort: la folie n'est pas clairement exprimer par une quelconque formule scientifique: on ne cherche pas à nommer cette maladie, on cherche à montrer l'impact de cette folie, ses conséquences. Dès le début du film, une fatalité se fait sentir: ses deux personnages se mariant et couchant au bout de quelques heures seulement après leur rencontre, quelle folie! Vivant une vie bien en dehors de ce que voudrait la société, continuellement jugé, tel est donc la vie qu'ils ont décidé de mener. Finalement, leur amour est une folie et c'est ce qui est beau.
Leur amour représentant donc une forme de folie, celle de deux amoureux prêt à vivre d'amour et d'eau fraiche comme dit l'expression bien connue: il est intéressant de voir la réaction des personnes se trouvant au second plan parfois au troisième plan. Une scène illustre parfaitement cette idée, c'est lorsque les deux personnages courent dans la rue, nu comme des vers. La réaction du monde autour d'eux est autant hilarante que déprimante: certains se moquent, certains montrent un certain dégoût face à leurs corps dénudés. C'est une scène qui fait sourire mais qui est lourde de sens: ces deux personnages ne sont pas conformes à la société et ne feront rien pour s'y accoutumer.
Mais, malgré l'amour les liant, lui n'a pas d'autres choix que de prendre ses responsabilités face aux charges, aux conséquences de leur vie décalée. Dès lors que ce changement s'opère, le film devient plus sombre, dans son récit mais également dans son image qui devient brune, sombre, beaucoup moins colorée. Un choix intéressant qui montre l'envie de construire le film de A à Z de la part de Régis Roinsard. Toute la partie où elle se trouve en soin est très trouble, la solitude se fait sentir pour lui et son fils, la folie de leur amour dépérit tandis que lui essaye d'entrer dans le moule d'une société conformiste et décoloré de tout brin de folie.
Ce film est avant tout une belle critique de la société: pourquoi devrait-on forcément entrer dans le moule, payer nos factures, se coucher à une heure descente, vivre une vie bien rangée. Pourquoi devrions-nous abandonner nos rêves même si ceci paraissent fou. C'est le plus beau message du film: ne vivez pas pour les autres, vivez pour vous et ceux que vous aimez.
La deuxième grande question que le film pose est la suivante: que faire quand la folie devient dangereuse ou effrayante? On ne peut pas douter que lui aime sa femme comme un fou, comme au premier jour dans cette chapelle où sur l'hôtel de dieu ils ont scellé leur amour. Mais il semble impuissant, sans armes face à ce qui ronge sa femme. Dès lors qu'il décide de faire intervenir des "spécialistes", il se met lui aussi à devenir fou mais d'une autre manière: il se sent dépérir, il semble trahir sa femme alors qu'il essaye seulement de l'aider. Faut-il donc intervenir ? C'est la toute l'ambiguïté que le film met en avant: on se doit de protéger nos proches lorsqu'ils deviennent dangereux pour les autres mais encore plus quand ils deviennent dangereux pour eux-mêmes.
Le film se termine en ne donnant aucun élément de réponse, chacun est libre de faire ses choix. On retrouve la fatalité ressenti dès les premières secondes face à ses mensonges à lui concernant sa véritable identité. Et même si la fin est terriblement triste, le film nous propose une histoire d'amour menée jusqu'au bout, il n'y avait pas d'autre fin possible pour ces deux-là malgré leur fils qui restent seul mais qui ressort grandit grâce à ses parents.
En Attendant Bojangles est un film dramatique, poignant et déroutant. Porté par la performance magnifique de Viriginie Efira et par la justesse de Romain Duris, c'est une belle réflexion sur la folie mais aussi sur le fait de vivre en marge d'une société vous poussant dans un moule insipide et sans saveur.