En avant
6.8
En avant

Long-métrage d'animation de Dan Scanlon (2020)

Retour à la spiritualité (Spoils à prévoir)

Grand martyre de ce début de printemps, le nouveau Pixar s'est vu lâcher en rase campagne comme un pet dans un pantalon en velours côtelé. Entendons par-là une communication un poil frigide accompagnée du désormais célèbre covid-19 comme leviers d'emmerdes sur mesure. Cabossé d'entrée malgré des premiers retours satisfaisants, "En avant" se retrouvera plutôt que prévu sur la plateforme Disney+ afin de grapiller quelques dollars non superflus. Un destin tristounet pour le rejeton de Dan Scanlon qui derrière sa fonction "d'amuseur publique " abrite dans ses entrailles de pixels le plus beau trésor philosophique qui soit : Le Grand retour à la spiritualité


L'Occidentalisation Cannibale


Il est là, parfois dissimulé dans les blockbusters clairvoyants à 200 Millions de dollars ou dans les productions d'envergures plus modestes. "Lui", c'est le signe du retour à la croyance, au positivisme, à la pensée ouverte et au regard contemplatif. "Lui", c'est "Superman" dans "L'Aube de la Justice" emprisonné par les institutions après avoir été sanctifié par des populations latines. "Lui" c'est "David Dunn" dans "Incassable", symbole d'une icône dans un monde bétonné jusqu'aux genoux dont le système ne repose que sur l'industrialisation. Snyder et Shyamalan l'ont compris par le truchement du super-héros, l'Occidentalisation a consumé la vie de par ses règles et ses codes. Les institutions créées de la main de l'homme aussi utiles soient elles, plombent les semelles du citoyen en lui "collant" une vue basse et une limite de pensée. On ne croit plus en Superman comme un Demi-Dieu ? On le préfère sur le banc des accusés menottes aux poignets. Un regard lucide sur une période de rêves et d'espoir qui semblent bien loin. Un constat tragique abordé tout aussi sereinement par Scanlon, qui, comme ses homologues fait un état désabusé de notre monde. Désabusé, certes, mais animé d'une intelligence rare. Le préambule de "En avant" pose rapidement les bases de sa condition d'univers magique et aventureux pour le convertir en une société paralysée par les démons du matérialisme et de l'obligation de la vie en communauté. Il faut voir avec quel humour deux licornes sauvages se disputent les détritus d'une poubelle puis de constater que l'urbanisation a complètement avalée ce qu'il restait de contes et légendes. C'est cette amorce qui prend à revers "L'Aube de la Justice" de Snyder en ne flirtant pas simplement avec la thématique de l'espoir par le biais de Clark Kent mais en faisant de ce contexte de renoncement spirituel toute la substantifique moelle du projet. Pixar a donc cette humilité de parler philosophie de 7 à 77 ans sans avoir l'air d'un pensum.


Le Vecteur Spielbergien


Il aura échappé à peu de monde que toute la carrosserie du dernier Pixar est peinte aux couleurs des années 80. La Team Spielberg en est même le coeur incandescent à quelques exceptions près. Le deuil, sujet récurrent chez Pixar, constitue le point d'appuie qui permettra aux personnages de combler cette absence par une expérience vécue. En ces terres si connues des Amoureux de la firme à la lampe, Scanlon laisse doucement couler l'essentiel de son concept dans le moule "Amblin Entertainment", solide vecteur identitaire et universel. Le décor est planté : une banlieue de pavillons préfabriqués aux vastes jardins et aux larges routes toute auréolée du souvenir conscient des Goonies. Les héros, deux frères dont le plus âgé est bien en chair évoque "Choco", le freak gueulard et peu sortable investit d'une mission divine. Barley Lightfoot, reflet du nerd moderne, se reçoit à la manière du clochard céleste avec ce sentiment partagé de pitié et de compréhension. Un gamin tiraillé par sa fibre familiale et son étrange désir de balancer à la face du monde que la magie existe encore et qu'il suffit de quitter le berceau pour s'en convaincre. Barley bien qu'au second plan est le piston de cette aventure alors que Ian, personnage central, parait plus passif. Une écriture en relief donnant à chacun sa part d'implication. Bien que délicat, "En avant" n'en oublie pas pour autant son contexte socio-culturel ricain tamponné eighties avec un fétichisme du goût moyen incarné par un van pourri au décalco kitsch, destrier de la fratrie. Une attirance prononcée pour "la mal bouffe" et son gentil camouflet envers les vendeurs de Burgers, vampires franchisés assoiffés de tavernes autrefois gothiques. Et pour finir, la rencontre des deux elfes et des fées bikers prêtent à en découdre au moindre regard de travers.


Jamais vindicatif lorsqu'il critique une époque qu'il affectionne, Scanlon offre en contrepartie le plus bel écrin à son métrage, un final référentiel à la saga "Indiana Jones" avec "La dernière Croisade" et "Les Aventuriers de L'Arche perdue". Une mythologie moderne qui sied parfaitement à son oeuvre. Et ce n'est pas le spectateur, pris en sandwich entre l'émotion la plus vive et une référence directe à "Retour vers le futur" en dernière bobine qui va s'en plaindre. Foi de cinéphile, "En avant" n'a pas un coeur mais une pierre de Phoenix !

Star-Lord09
7
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le 21 mars 2020

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