Je vous parle d'un temps où Eve oisive s'ennuyait

Ne tirez pas trop vite sur le pianiste, c'est en cours de conception !


Eve s'ennuyait à mourir dans ce paradis où Adam n'avait de cesse de le transformer, de l'arpenter... La voyant neurasthénique, Dieu lui demanda ce qui l'égaierait...

Elle répondit : "Je voudrais quelqu'un qui m'écoute sans m'interrompre quand je parle, qui soit toujours à mes côtés, prêt à me distraire ! Quelqu'un qui me fasse découvrir des paradis inconnus, qui me donne des conseils de beauté, et qui me raconte de belles histoires d'amour, quelqu'un qui me soit dévoué et toujours prêt quand j'en ai envie... bref qui m'aime.

Et Dieu créa ...la télé !


En 1956, ce film avait un goût de fruit défendu du genre pomme qu'Eve tendit à Adam, et qui leur fit perdre l'éternel paradis !

Ici, Eve c'est Bardot qui joue Juliette... Coupons tout de suite le cou à un canard boiteux : La belle Brigitte ne constitue pas un mythe, comme on le claironne et le lit ça et là : elle ne faisait de sa vie que ce qu'elle voulait, et comme le dit Curd Jürgens dans ce film, ...elle en avait le courage...

Même suscitant l'indignation, la jalousie, la crainte de la concurrence de ses consœurs, moins téméraires, moins belles, qui visaient à l'époque plus le mariage que la copulation...

Sa beauté envoûtante et ses attitudes provocantes tétanisaient, fasvinaient les hommes...

De plus, elle n'était par farouche (on ne compte plus ses amants réels) et ne se refusait aucunement les plaisirs de la chair, alors que l'éducation judéo-chrétienne était majoritaire en ces temps où filles et garçons étaient séparés dès l'école.

Une relation sexuelle n'était alors admise par la religion que pour générer la procréation... Le sexe était tabou mais on en a fini par en venir à bout !

Discrètement avec "Paris-Hollywood", journal se vendant sous le manteau dans les kiosques et librairies, interdit d'affichage et de vente aux mineurs... Les "pin-up" en maillots de bain commençaient à être ringardes face aux récits et photos affriolants de cette revue que les "mâles en rut" se refilaient en douce, et souvent en cachette de leur femme...

Mais une jolie femme pouvait tout se permettre, tout oser, et la jolie BB ne s'en priva pas, bien que n'aimant pas le cinéma... La vie vous entraîne parfois là où vous ne pensiez pas aller !

Ses amours et liaisons firent la fortune de nombre de journaux "people" mais selon elle, elle en avoue elle-même dix-sept.

Le premier, Vadim qui réalise cette pantalonnade gnangnan, elle l'a connu alors qu'il sévissait à Paris-Match, et elle l'épousa en 1952 !

Mais c'est aussi pendant ce même film qu'elle connut Trintignant ...et en tomba raide-dingue... Loin des yeux loin du cœur : alors qu'il était au service militaire (obligatoire en ces temps-là) elle le trompa avec le chanteur Gilbert Bécaud, grand prédateur de femmes comme celle de Claude François qui le découvrit aussi à ses dépens !

Entretemps, BB avait déjà décidé d'avorter en Suisse : l'opération étant hor-la-loi en France...

Il faut bien reconnaître qu'on n'allait pas voir BB pour ses talents artistiques, mais son corps qui aussi superbe que sa frimousse avec son petit aire enfant boudeuse...

Elle suscitait le désir masculin (qu'elle satisfaisait parfois...) et si on allait la voir au cinéma en faisant la queue (si j'ose dire), c'était plus pour la voir dans le plus simple appareil que pour le film et les producteurs ne manquaient pas de réalisateurs volontaires pour la déshabiller...

Ici, la scène commence avec une séance de bronzage intégral extérieure, derrière du linge aligné pour sécher, et où elle est allongée nue (enfin on l'imagine) sur le ventre...

Cachant quand même sournoisement ses appâts encore interdits d'écran : un peu le même plan que reprit Godard dans le "Mépris en 1963"...

Sa nudité jouait souvent à cache-cache avec la caméra, comme si les réalisateurs jouaient avec la censure pour tester jusqu'où ils pouvaient aller trop loin au nom de la liberté d'expression...

BB elle vécut des premiers tours de manivelle horribles dans "Le trou normand" enregistrement que lui avait d'ailleurs déconseillé Vadim, et il avait raison : ce fut un désastre et elle en fut affectée moralement il faut préciser que si elle était intelligente,rouée, elle n'avait aucune passion pour les études ce qui lui valut de nombreux quolibets et railleries des intellos et railleurs...

Elle dut apprendre très tôt à se défendre...

Dans ce film, la jolie BB attire la convoitise de tous les hommes à Saint Tropez (port de méditerranée coincé entre plusieurs plages où la nudité partielle ou totale fut la première à être tolérée, ce qui lui valut et grâce au cinéma, une réputation attractive...

Trois prétendants vont chercher à s'attirer les faveurs de Juliette : un vieux friqué, un homme qui voulait l'épouser, et son frère par accident lui qui la considèrait comme une fille facile et s'offrant à tout le monde...

Bref un vaudeville risquant d'évoluer vers le crime passionnel sur fond de femme qui répond aux pulsions de son corps et de son âme, librement...

On est quand même à des années lumière du MLF, et de la pseudo-parité hommes/ femmes ainsi que du féminisme pur et dur..

Ici, l'épouse libérée qui s'est laissée aller à une liaison adultérine avec le frère, se prend quelques violentes paires de baffes violentes et punitives, face auxquelles elle ne réagit même pas car coupable contrie, sidérée même et découvrant au même moment qu'elle l'aime et ne s'en était pas rendue compte avec cette scène révélatrice !

Bref, ce n'est pas le scénario qui fera de ce nanar une valeur sûre, même s'il est écrit par ce vicelard de Vadim, avec l'apparente complicité de Raoul Lévy qui comme par hasard, co-produit ces vacances sur la Côte d'Azur...

Le casting est d'une pauvreté touchante si on excepte BB et Trintignant... Jürgens né en 1915 agace avec son accent à dormir debout, son mépris de friqué de pouvoir tout acheter, et comme si ce n'était pas suffisant, son addiction à la cigarette : il fume clope sur clope à un point que si ça semblait insignifiant à l'époque, c'est devenu énervant de nos jours...

Il ne mourra du reste pas en 1982 d'un cancer du poumon, mais d'un infarctus...

Ce prétendant quadragénaire de Bardot était à la limite du grotesque...

On ne sait trop pour quelle plus-value, un Jean Tissier abêti apparaît dans une intervention clownesque il blesse BB avec une fléchette ? Ridicule, infantile !

La musique du très réputé Paul Misraki à l'époque n'est pas non plus transcendante mais à l'époque des antiques ptérodactyles de juke-box et de billard électrique qu'on peut découvrir c'est ce qui se faisait de mieux dans les bars onze ans après la fin de la seconde guerre mondiale...

Les enfants du baby-boom n'avaient pas encore amorcé leur renouveau yéyé à coups de guitares électriques...

Ça peut faire sourire aujourd'hui : le simple fait d'imaginer dans ces années cinquante qu'un film X (classé ainsi parce que dévoilant des sexes opposés en pénétration) aurait semblé complètement inimaginable, à une époque où les femmes commençaient -comble de l'audace- à dévoiler leurs chevilles...

Ce film fait peine à voir aujourd'hui, mais il a une valeur patrimoniale : il témoigne d'une époque coincée révolue ! Celle où peu de femmes après guerre avaient accès aux études et où l'enseignement était réservée aux garçons...

Les écoles primaires de filles leur apprenaient aussi la couture, la cuisine (...) les prédisposant à donner naissance et élever des enfants.

Dès lors, les nubiles fêtant Sainte Catherine cherchaient avant tout, et comme elles l'avouaient, à "se caser" : c'est à dire être BCBG de manière à séduire un jeune homme BCBG lui aussi qui les protégerait, les entretiendrait et qui leur ferait des enfants... Alors et enfin, ses parents allaient pouvoir dormir en paix sans la hantise de voir leur gamine enceinte et devenir "fille-mère" : malgré les efforts du Dicteur Ogino, la contraception était alors quasi-inefficace, voire découragée pour permettre un repeuplement rapide après une guerre meurtrière.

La vie d'alors avec une femme à la maison convenait très bien jusqu'au jour où les couples commencèrent à avoir des ambitions plus coûteuses et des besoins financiers plus élevés... D'autant que les invalides de guerre, leurs morts, faisaient que les recruteurs peinaient à trouver de la main d'oeuvre et déroulaient le tapis rouge aux demandeurs d'emplois en tous genres...

Celles échappant au système comme Juliette ici, était bien rares, encore qu'elle n'ait pas dit non au mariage !

Sulfureux en 1956, ce film paraît bien innocent à une époque où on met en vente des poupées érotiques ! BB commençait à se faire une réputation d'effeuilleuse amorale telle que, seul son nom sur les affiches de films, suffisait à ameuter les foules...

L'époque faisait que le corps nu était encore tabou et le dévoiler trop, un péché, voire un délit ! Les choses ont bien changé depuis Internet !

Mais à l'époque, Roger Vadim (1928-2000) pour son premier film, pouvait s’enorgueillir de son succès et celui de sa femme qu'il allait perdre : 3 831 979 spectateurs et une treizième place au box office sur quatre -vingt-trois films millionnaires en 1956... A son actif 22 films plus ou moins sulfureux de 1956 à 1974...

BB est sûrement la seule femme a avoir ruiné une industrie : celle de la fourrure que les jolies riches finirent par abandonner ayant la sensation de porter des dépouilles d'animaux sur les épaules...

Si son corps n'a plus de secret pour moi, il me de ce film une énigme à laquelle elle seule peut répondre dans la mesure où elle semble être la seule survivante : dans ses vues de St Trop' la caméra a-t-elle enregistré in situ, ou aux studios de la Victorine à Nice ? Toutes infos bienvenues !

Dernière anecdote : j'ai trouvé beaucoup de ressemblance entre ce film et celui de Jean Becker : "L'été meurtrier"...Adjani, encore plus audacieuse dans sa nudité, affichait la même hardiesse que BB, et Souchon la même admiration béate pour elle... Un hasard ?

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Arte le 20.10.2025-



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Paris 1° le 28.09.2024- Arte le 20.10.2025-

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Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à sa liste Erotisme floral : à vous de juger...

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le 19 oct. 2025

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il y a 4 jours

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